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Précarité : une nouvelle lettre de l’inspecteur du travail montre que la direction continue de mentir

jeudi 13 janvier 2011

PARIS, 13/01/2011 - 1739 - Les syndicats CGT, FO, SUD et CGC-CFE de l’AFP portent à la connaissance du personnel une deuxième lettre de l’inspecteur du travail Gérard Filoche montrant que la direction continue de mentir sur les précaires, alors même qu’elle affirme vouloir mener des négociations pour réduire la précarité à l’AFP.

L’ex-directeur général Jean-Pierre Vignole a affirmé devant son successeur, qui présidait la réunion du 6 décembre sur les précaires, que la direction ne s’était jamais engagée à titulariser l’un des plus anciens pigistes à l’agence dont l’intersyndicale demandait l’intégration immédiate. C’est faux, comme en atteste la lettre ci-dessous.

Ce texte montre que la direction s’était aussi engagée devant l’inspecteur Gérard Filoche, à fournir une radioscopie complète de la précarité à l’AFP. Ce document avait été demandé en septembre dans un délai d’un mois, et nous l’attendons toujours presque quatre mois plus tard.

Vendredi dernier la direction avait affirmé ne vouloir embaucher ni le pigiste de province cité par l’inspection de travail, ni les autres cas que nous avons mis en avant comme étant particulièrement emblématiques.
Nous espérons que, lors de la prochaine réunion de vendredi, le nouveau directeur général donnera un signal fort montrant qu’il entend rompre avec les pratiques de mauvaise foi de la direction.

Car comme le dit très bien la lettre de Gérard Filoche :

"Il est très problématique que dans une agence comme la vôtre, de votre prestige et de votre importance, le taux de précarité soit si élevé. Cela sert de mauvais exemple dans le reste de la presse. Le corriger peut au contraire servir de bon exemple. C’est ce que nous espérons en vous pressant de tenir vos paroles prononcées au cours de cette réunion, qu’elle qu’en soit la difficulté."

Voici la lettre :


L’ Inspecteur du Travail
à
Monsieur le Directeur des Relations Humaines de la société AFP

Paris, le 21 décembre 2010
Référ : GF/RMG

Messieurs,

Suite à ma lettre datée du 3 décembre 2010 et à la réunion de ce vendredi 17 décembre 2010 entre votre direction (représentée notamment par MM. Massonnet et Vidot, Vignole et Gacon, et par trois membres de la DRH).

Les conclusions qui se dégagent de nos échanges ce vendredi 17 décembre entre 10 h 30 et 12 h 30 sont les suivantes : je les consigne par écrit à votre attention et à celle des syndicats dans la perspective des négociations qui devraient ensuite s’ouvrir.

1°) sur la radiographie détaillée de la précarité dans l’établissement : vous nous avez donné des documents plus complets que ceux que nous avons précédemment obtenu sur le nombre de pigistes, de CDD et de "correspondants locaux de presse" que vous employez.

Je fais remarquer qu’il a fallu une grande insistance de notre part pour obtenir ces éléments d’information pourtant élémentaires, sur vos effectifs réels. Voilà des années, que de façon informelle, puis de plus en plus précise, nous vous avons demandé ces informations. Nous l’avons refait en septembre et en octobre 2010 de façon pressante. Il a fallu ma précédente lettre, menaçant de sanction, pour que vous compreniez qu’il y avait obligation de votre part, sous peine de nous faire "obstacle", ce qui est un délit, de répondre aux demandes d’information de l’inspection du travail.

Nous avions précédemment discuté d’un délai de réalisation
a) d’une radiographie de la précarité à l’AFP
b) de la titularisation rapide d’un incertain nombre de cas délicats, humainement sensibles, et juridiquement incontournables
c) d’une solution négociée avec les organisations syndicales pour les autres, par exemple sous la forme d’un "pool" d’accueil pour les nouvelles recrues qui ne seraient plus des CDD mais des CDI, employés pendant un temps à divers postes d’accueil avant d’entrer dans un poste définitif.

Ce délai, en octobre, devait être d’un mois. Il a été repoussé au-delà de novembre. Il fa fallu que nous menacions de dresser procès-verbal, ce qui n’était pas notre première intention, pour que le sujet soit enfin traité directement entre vous et nous en décembre. Nous préférons en effet une régularisation plutôt qu’une procédure par sanction mais encore faut-il ne pas prendre ce choix de notre part pour une faiblesse. Car la législation est claire et nous permet parfaitement de dresser procès-verbal étant donné l’état des lieux dans votre agence.

Les syndicats vous demandent également ces informations sans que vous les leur ayez communiqués alors que cela fait partie de l’information obligatoire et que cela peut être une entrave.

Ce que nous avons obtenu aujourd’hui est plus complet que précédemment. Mais nous attirons votre attention sur le fait, que des renseignements recueillis par ailleurs, nous laissent à penser que nous n’avons pas encore " tout ". Si tel est le cas, vous devez réviser votre attitude et nous communiquer la totalité des informations manquantes. Car s’il est vrai qu’il y a encore des salariés pigistes, précaires, dissimulés, l’infraction serait traitée plus gravement.

Je le répète : vous devez nous communiquer la liste complète des pigistes, CDD, correspondants de presse, précaires qui sont employés par votre agence.

2°) Selon vos termes introductifs à la réunion, sur un réseau de 430 pigistes (dont 150 sont reconnus employés suffisamment pour figurer sur l’effectif de l’entreprise et voter aux élections professionnelles), de 80 "CLP" correspondants locaux de province ", de 12 correspondants réguliers dans la région parisienne, de 50 CDD, il apparaîtrait que 40 pigistes en province qui travaillent de façon régulière, dont une liste de 28 principaux que vous nous avez fournie, il y aurait 20 CDD dont l’ancienneté est importante sur 50...

a) pour ce qui est des correspondants de banlieue, vous nous avez proposé, vu la situation évidente qui est la leur (ils travaillent à temps plein et depuis longtemps, parfois quatre ans, sur des postes qui étaient permanents auparavant) de les titulariser dans les meilleurs délais Cela concerne quatre personnes sur sept. Car trois le sont déjà. Il faut ajouter ceux qui sont de week-end, qui sont EXACTEMENT DANS LA MEME SITUATION mais à temps partiel.
Nous actons votre déclaration de titulariser ces salariés en premier de façon urgente.

b) Pour ce qui est des pigistes, la liste des 28 recensés, est déjà importante. Tout de suite, 3 ou 4 cas s’imposent, comme devant être titularisés dans la mesure ou les intéressés le demandent.

Ce qui est le cas que nous avons soulevé, pour l’exemple, puisqu’il est apparu à titre d’exemple particulièrement significatif, de M XXXXX à XXXXX. Il ne saurait être question qu’il soit mis en cause, ou freiné dans sa carrière parce qu’il a dit la vérité sur l’injustice juridique dans laquelle il était placé - avec toutes ses conséquences humaines. Nous avons demandé, vu la gravité du cas, et de façon symbolique, pour indiquer votre volonté en tant que direction, que vous vous engagiez, devant nous, à le titulariser : vous avez accepté. Nous l’avons enregistré.

Vous proposiez de "blinder les contrats avec les pigistes en consentant un minimum garanti". Voire de mettre en oeuvre des contrats de deux ans. Nous ne pouvons juridiquement accepter un tel projet : ils sont pigistes permanents, sur des postes permanents, telle est la réalité juridique, ils doivent être requalifié en CDI.
Nous avons une liste de 12 noms sensibles que nous ne communiquons pas par souci de réserve, à l’égard des intéressés, mais avec les organisations syndicales, vous pourrez et devrez discuter au cas par cas.
Votre objection est qu’ils ne soient "pas possible de les employer et de les payer à temps plein", que cela reviendrait trop cher :

Nous avons rappelé qu’il existe un statut légal de salariés à temps partiel - qu’il est possible d’annualiser avec une négociation avec les syndicats. Cela mettrait fin à l’incertitude cruelle des nombreux personnels concernés sur leur avenir. Et il serait possible de comptabiliser et de payer les heures supplémentaires, d’ajuster les contrats par avenant en cas de dépassement (fréquents semble t il) des "temps partiels".

Nous avons conclu ensemble qu’il y aurait une négociation organisée officiellement entre la direction et les syndicats entre le 1er janvier et le 31 mars 2011 pour mettre en place ce type de contrats

c) un certain nombre de CDD anciens doivent être intégrés, vous en avez convenu.

Quelques cas sont sensibles au siége, particulièrement de femmes, qui ont dans la trentaine, qui ont des enfants et d’autant plus d’angoissées devant l’avenir qu’elles travaillent pour l’Agence, dans différents postes permanents, avec des contrats successifs, sans motif réel et sans délai de carence, depuis de longues années.
Nous vous demandons comme cela avait été convenu dés octobre dernier de faire l’effort immédiat sur ces cas, connus de vous et de tous, avant même de négocier sur le "pool" pour les autres.

Les syndicats eux-mêmes ont proposé depuis deux ans une solution de consensus qui devrait vous faciliter les choses : de créer un statut spécial d’entrant, en créant un "pool" de CDI et non, plus de CDD aléatoires à l’embauche. Les salariés actuellement en CDD en guise d’essai seraient donc en CDI, mais pourraient passer par plusieurs postes, fonctions, remplacements, surcroîts de travail, etc. avant d’être installés, comme les autres salariés selon les appels d’offres dans un poste stable.
Il est apparu que vous pouviez aller dans ce sens, mais encore faut-il passer à l’acte.
Nous avons noté que vous acceptiez de le concrétiser dans la négociation prévue entre le 1er janvier et le 31 mars.

Il est très problématique que dans une agence comme la vôtre, de votre prestige et de votre importance, le taux de précarité soit si élevé. Cela sert de mauvais exemple dans le reste de la presse. Le corriger peut au contraire servir de bon exemple. C’est ce que nous espérons en vous pressant de tenir vos paroles prononcées au cours de cette réunion, qu’elle qu’en soit la difficulté.

Nous avons noté qu’il y avait une ouverture réelle, et que tout cela pouvait donc aboutir dans les délais fixés.

J’étais accompagné de M. Harold Ligan, mon futur remplaçant, puisque je pars en retraite le 23 décembre, il traitera avec vous la suite du dossier.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

L’Inspecteur du Travail
Gérard FILOCHE

P.S : Copie aux syndicats


[FIN]

Syndicats CGT, FO, SUD et CGC-CFE
Le Jeudi 13 janvier 2011
Sur le même sujet : la précédente lettre de l’Inspecteur du travail sur la précarité à l’AFP