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Grève partielle, stratégie perdante

jeudi 16 juin 2016

Pour l’action syndicale pluraliste, démocratique et intercatégorielle

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Les principaux droits sociaux dont nous bénéficions aujourd’hui sont le résultat de grèves et de blocages, de résistances de toute sorte, et aussi de victoires électorales. L’interdiction du travail des enfants, les congés payés, la réduction par étapes du temps de travail, la sécurité sociale et la retraite : tout cela est le fruit de luttes, souvent dures et longues.

N’en déplaise aux modernistes qui affirment que cette vision des choses est rétrograde, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que les grands groupes industriels et financiers savent se servir à merveille de la lutte des classes pour assurer leur pouvoir et leurs profits. Les riches sont toujours plus riches, au détriment de la santé écologique et sociale de la planète, au mépris de l’intérêt général des travailleurs et de l’humanité dans son ensemble.

Dans une belle unanimité, gouvernements et organismes internationaux diffusent la bonne parole : il faut limiter « les rigidités du marché du travail » ; freiner l’évolution des salaires : réduire les dépenses de l’Etat ; restreindre les services publics en ouvrant la totalité des activités économiques et sociales à la libre concurrence et à la logique de profit ; rembourser les dettes pour satisfaire les banques privées, quitte à affamer et ruiner des pays entiers…

La loi El Khomri et le nouveau modèle de financement de l’AFP sont les fruits de cette politique qui vise à faire marche-arrière sur les progrès sociaux conquis depuis la Libération [1].

La large mobilisation sociale des derniers mois montre que nous sommes très nombreux à refuser cette logique de recul social. D’autres voies sont possibles. Nous voulons une autre répartition des richesses, un monde plus solidaire, plus démocratique.

A celles et ceux qui préfèrent Emmanuel Macron à Jean Jaurès et Laurent Berger à Karl Marx, nous répondons que, quelle que soit notre appartenance syndicale en 2016, notre modernisme à nous, c’est la Charte d’Amiens, adoptée par le 9e congrès de la CGT à Amiens, en octobre …1906 ! Cette Charte assigne au syndicalisme un double objectif et une exigence : la défense des revendications immédiates et quotidiennes et la lutte pour une transformation d’ensemble de la société.

A l’AFP aussi, pour un syndicalisme de transformation sociale !

Début juin, le syndicat du Livre CGT a lancé à l’AFP un mouvement de grève catégoriel : assemblée générale des ouvriers, pour protester contre les projets de la direction visant à refonder les grilles des salaires du personnel technique et administratif [2]. L’intersyndicale CGT-FO-SUD-CFE/CGC a très rapidement soutenu ce mouvement, et dès le début, SUD – syndicat de lutte, intercatégoriel - a poussé à élargir la grève à l’ensemble du personnel technique et administratif (y compris les employé-e-s), en complétant la plateforme revendicative, puis à dépasser le clivage d’avec les journalistes.

De jour en jour, l’unité du personnel s’est renforcée :

  • participation toujours plus massive aux AG,
  • respect du pluralisme syndical,
  • liberté de parole et des choix (vote, lors d’une AG, pour la reconduction de la grève, contre l’avis de l’intersyndicale),
  • tenue d’une réunion-débat pour les journalistes et publication d’un argumentaire s’adressant à eux, à l’initiative des syndicats CGT, FO et SUD.
  • perspective d’une AG de l’ensemble du personnel, pour une grève intercatégorielle de 48 heures.

Bref, une dynamique en faveur d’un meilleur rapport de force avec la direction, face au « travailler plus pour gagner moins » qu’elle veut imposer dans le cadre de la renégociation des 117 accords sociaux brutalement dénoncés en 2015. Avec, dans l’esprit de tous, un environnement favorable à cette action, grâce à la mobilisation massive contre la loi El Khomri et à l’approche de l’Euro-2016.

Grève partielle, stratégie perdante Tout bascule au 8e jour de grève, le vendredi 10 juin. Le PDG souligne que la grève des personnels techniques fait peser des risques sur les couvertures dans les jours à venir, car elle rend incertaines des opérations de maintenance qui sont nécessaires au bon fonctionnement du système de livraison des produits. Il appelle à la « responsabilité de tous et de chacun » alors que commence l’Euro de football.

Stratégie illisible

Le 10 juin, la CGT défendra en assemblée générale la stratégie de la grève partielle. Elle déclare que face à un PDG « irresponsable », elle saura être responsable à sa place, car on ne peut pas risquer de perdre des clients.

Cette position n’est pas partagée par le reste de l’intersyndicale (FO, CFE-CGC et SUD) qui militent pour une grève plus efficace et visible.

A l’assemblée générale du personnel technique et administratif, la ligne de grève partielle suscitera l’incompréhension de nombreux participants.

La grève est reconduite, mais elle épargnera désormais la couverture de l’Euro. Pourtant, certains techniciens font remarquer qu’il n’y a pas de serveur dédié à l’Euro : si l’on répare un serveur car il y a une panne concernant l’Euro, tout le reste redémarre…

Pour SUD, la grève partielle était une stratégie perdante, que nous ne souhaitions pas cautionner. Par la suite, la grève intercatégorielle de 48 heures, votée en assemblée générale, prendra fin le mercredi 15 juin 2016…

A l’AFP comme dans tout le pays, on aura vu que les grèves restent invisibles, tant qu’elles ne gênent pas. Après le 14 juillet 2015, l’Euro-2016 est une nouvelle occasion manquée.

Il faudra dans les prochains mois se donner les moyens d’être plus efficaces, en construisant patiemment un mouvement de l’ensemble du personnel, un mouvement pluraliste et démocratique, avec des objectifs clairs et susceptibles d’unifier, au lieu de diviser.

Pour cela, il faudra dépasser les logiques catégorielles et remettre en cause le cadrage financier, fixé par le gouvernement français et la Commission européenne, qui impose des sacrifices pour tous.

Paris, le 16 juin 2016
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)


[1Cf. Coralie Delaume, « Ce que la loi El Khomri doit à l’Union européenne », FigaroVox