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Derrière le déménagement : le DÉMANTÈLEMENT

lundi 1er octobre 2018

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L’Agence bruisse de rumeurs sur les projets de déménagement du siège. En attendant la réunion du Conseil d’Administration du 4 octobre, où le nouveau PDG Fabrice Fries expliquera les grands axes de son plan, le déménagement est LE thème central de toutes les conversations. Alors, sans participer aux spéculations, faisons le point.

Déménager ? Pour quoi faire ?

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Disons-le clairement : si M. Fries présentait au personnel un super-projet de développement de l’Agence, comportant

  • un recentrage sur notre mission d’intérêt général (l’information, rien que l’information !),
  • une augmentation des moyens matériels et humains,
  • un maintien de l’indépendance logistique de l’AFP (services techniques et administratifs)
  • un retour au progrès social (amélioration des conditions de travail, hausse générale des salaires, embauches massives sous statut siège…),

…et s’il s’agissait de regrouper le personnel dans des locaux parisiens plus adaptés, dans le cadre de ce projet motivant… Eh bien, dans ce cas, pourquoi pas ?

Tout le monde sait que ce n’est pas le cas : le projet Fries, quel qu’en soit son contenu précis, fermera le cycle ouvert en 1956/57, où l’adoption du « Statut de la liberté », un projet massivement approuvé lors d’un référendum du personnel, allait de pair avec l’inauguration du nouveau siège Place de la Bourse [1]. Alors qu’en 1957, le nouveau projet ouvrait des perspectives enthousiasmantes, en garantissait à l’Agence son indépendance structurelle vis-à-vis de l’Etat (qui la finançait pourtant à plus de 70%), le Plan Fries n’a rien d’attractif.

Réunifier la rédaction ? Chiche !

La répartition géographique de la rédaction entre le siège et la Rue Vivienne, décidée par Pierre Louette (PDG de 2005 à 2010), est une absurdité organisationnelle et financière. C’est désormais reconnu par tous. Même apparemment par les directeurs de l’époque qui ont piloté ce projet ubuesque et qui, loin d’avoir été sanctionnés, ont poursuivi leur ascension au gré des changements de PDG.

Il ressort des déclarations de Fabrice Fries lui-même (Le Figaro du 17/07/2018) que pour mieux faire passer un éventuel déménagement, il pourrait tenter de « vendre » ce projet en promettant aux journalistes parisiens de les regrouper de nouveau sur un seul site, comme nous le réclamons depuis toujours. Mais, méfions-nous des habillages alléchants !

Car l’éventuel déménagement, qui ne figurait pas dans le programme de M. Fries lors de son élection, ne se résumerait pas en un simple plan de rationalisation des ressources disponibles ou d’amélioration du mode de fonctionnement de la rédaction.

Stratégie de la peur

Le PDG a une feuille de route précise, écrite à Bruxelles : permettre à l’État de poursuivre les réductions budgétaires et de se désengager toujours plus de l’AFP, préparer l’Agence à l’échéance de l’année 2025, date à laquelle la Commission européenne entend totalement mettre à plat les aides publiques dont bénéficie l’AFP, obligeant l’Agence à fonctionner comme n’importe quelle boîte privée, uniquement régie par la loi du profit. (SUD a décrypté ce projet ici).

Ces changements impliquent l’affaiblissement des activités relevant de la mission d’intérêt général et toujours plus de produits purement commerciaux, avec toutes sortes de projets de marketing, de corporate, de partenariats, de partages de contenus, de redéploiements et de réductions d’effectifs. Nouvelle recette-miracle : après le multimédia de Pierre Louette et le Sport d’Emmanuel Hoog, nous voilà partis pour privilégier l’image, sans doute au détriment du texte !

Pour imposer de telles mesures dont la pertinence est soumise à forte caution, rien de mieux que l’annonce d’un bon paquet de décisions anxiogènes :

  • Redéploiements tous azimuts
  • Fusion de desks
  • Énième plan de restructuration des services techniques
  • Menace de sous-traiter des activités techniques et administratives
  • Perspective de réduction d’effectifs
  • Nomination d’une « cost killer » au poste de DG etc.

La perspective d’un déménagement pourrait aider le PDG à créer le climat d’angoisse et de résignation nécessaire pour faire partir des salariés « volontairement » et pousser ceux qui restent à accepter ce qui est présenté comme « évidence » incontournable et fatale.

Autre avantage : tout se concentre sur un sujet unique, car immédiatement tangible, qui permet d’occulter le reste, c’est-à-dire tous les changements profonds qui sont derrière ce projet.

La « vigilance » ne suffira pas

La bataille sur les « droits voisins » est loin d’être gagnée. Personne ne s’aventure à prédire quelle somme l’AFP pourra au final grappiller auprès des GAFA. Dans l’immédiat, le projet de loi de finances 2019 ne prévoit aucun geste significatif du gouvernement. Au contraire : alors que l’État a confié à l’Agence des missions d’intérêt général (MIG), il ne les rémunère pas à leur juste prix. Manque à gagner dû à cette sous-compensation des MIG : 17,9 M€ depuis 2015. Et cela va s’accentuer, dans le cadre des décisions politiques de réduction de la dépense publique.

Que propose M. Fries ? Lors d’une réunion récente avec la hiérarchie intermédiaire, le PDG a envisagé que l’on pourrait se tourner vers l’État, avec un plan démontrant que l’AFP fait des efforts (encore et encore !!!!) et demander au gouvernement une aide ponctuelle pour parachever ce plan. Et - tenez-vous bien - proposer à l’État en contrepartie qu’il baisse la compensation de la MIG !

Généreux, le nouveau PDG ! Pourtant, il connait parfaitement les efforts déjà réalisés par les salariés. Le personnel subit notamment depuis 2012 un gel des barèmes de salaires, alors qu’il est toujours sans réponses précises sur le salaire du nouveau PDG et sur l’évolution de celui de son prédécesseur, M. Hoog. (D’ailleurs, M. Fries n’ayant pas donné suite favorable à l’avis de la CADA, un délégué SUD vient de saisir la justice pour obtenir la transparence sur les salaires des PDG.)

Déménagement et démantèlement menacent l’AFP. SUD participera à toutes les actions unitaires qui s’opposent à ces projets et veillera à ce que cette bataille ne puisse pas être caricaturée comme un combat d’arrière-garde du personnel de l’AFP « qui ne veut pas déménager ». (Nous avons encore en mémoire les arguments à deux balles qui nous stigmatisaient lorsque nous nous opposions au projet Rue Vivienne [2]).

L’éventuel déménagement n’est pas une simple question d’immobilier.

  • Défendons l’unité de l’AFP, ses moyens matériels et humains.
  • Battons-nous pour défendre une information complète et pluraliste.
  • Défendons nos droits sociaux.
  • Résistons !

Paris, le 1er octobre 2018
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)


[1Cf. le livre de J. Huteau et B. Ullmann sur l’histoire de l’AFP – Extrait : http://u.afp.com/1957

[22010 : M. Hoog menaçait de démissionner pour imposer l’option Vivienne – Lire la réponse SUD