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Résistons au Plan Fries !

jeudi 8 novembre 2018

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Ce tract reprend les conclusions de notre document d’analyse « La casse de l’AFP en marche »

Aucune alternative possible ?

Tract SUD

Privée de subventions pour ses investissements, privée de recettes publiques et commerciales étroitement liées à sa mission d’intérêt général, étranglée par le poids de sa dette, l’AFP est enfermée dans une camisole qui ne lui laisse qu’une voie d’issue : limiter l’évolution de ses frais de fonctionnement – donc de la masse salariale – et essayer à tout prix de donner un coup de fouet à son chiffre d’affaires international. Un remède que tous les PDG des dernières décennies ont tenté d’administrer à l’Agence, avec un succès très contrasté : si l’évolution de la masse salariale a été effectivement freinée, les recettes commerciales n’ont jamais été au rendez-vous dans les proportions espérées.

Le Plan Fries poursuit sur cette voie : l’augmentation du chiffre d’affaires viendrait de l’image plutôt que du texte, d’une « nouvelle génération de produits » dont on peut se demander dans quelle mesure ils relèveront de la mission d’informer dans l’intérêt général. Voilà pour le côté aléatoire de son plan (s’il obtient l’accord du Fonds de transformation de l’action publique).

Le côté prévisible et réalisable, du point de vue comptable, concerne l’évolution de la masse salariale. Après le Plan Hoog (le « Grand Accord »), voici le Plan Fries.

Le PDG a d’ores et déjà fixé le cadre des discussions sur cet aspect de son plan. Lors de son audition par des députés, le 16 octobre, M. Fries s’est dit « ouvert à la discussion » avec les syndicats, tout en insistant sur la nécessité de réduire les coûts de l’entreprise. « L’objectif intangible pour moi, c’est d’avoir les économies à la fin (...) s’il y a des méthodes —c’est ce que disent les syndicats — pour y arriver autrement qu’avec 125 départs, la porte est ouverte à la discussion », a-t-il dit selon une dépêche AFP.

Pour M. Fries l’objectif financier de son plan n’est pas négociable  ; les moyens d’y parvenir le sont : il dit au personnel et à ses représentants qu’ils peuvent choisir entre réduction de l’emploi et nouvelles attaques sur les droits sociaux (congés, salaires…). On imagine la pagaille, les marchandages, les jalousies entre catégories professionnelles et métiers. Diviser pour mieux régner !

Comme pour le Plan Hoog, le Plan Fries nous laisse le choix entre la peste et le choléra, tant que nous nous résignons à considérer que les objectifs stratégiques du plan et leur justification ne peuvent pas être remis en cause.

  • Faut-il demander au gouvernement plus de moyens pour l’AFP ? - Oui, bien sûr.
  • Va-t-il remettre en cause les objectifs stratégiques du Plan Fries ? – Non, évidemment non. Car la feuille de route de M. Fries est identique à celle du gouvernement Macron-Philippe ; elle a été écrite à Bruxelles et fait consensus parmi tous les représentants de l’oligarchie.
  • L’AFP peut-elle être sauvée ? – Les sommes en jeu sont modestes. Que sont 100 M€ d’endettement par rapport au Budget de l’État, aux milliards de cadeaux fiscaux pour les riches ou aux dizaines de milliards de fraude fiscale et d’optimisation fiscale que le gouvernement laisse sciemment filer chaque année ?
  • L’AFP doit-elle toujours accroitre son chiffre d’affaires commercial ? – Oui, dès lors que l’on a fait le choix politique interdisant à l’État de financer les investissements de l’Agence, donc sa modernisation et son adaptation aux évolutions technologiques. Non, selon les principes fondateurs de l’Agence et son Statut de 1957. Un hôpital public doit-il faire du chiffre d’affaires ? Oui, quand l’État lui serre la ceinture, l’obligeant à autofinancer ses investissements. Non, dès lors que les responsables politiques considèrent que la raison d’être de l’hôpital est de soigner les patients. Idem pour l’AFP, dont la raison d’être consiste à fournir des informations dans l’intérêt général et non pas à faire du fric.
  • L’AFP doit-elle baisser ses tarifs en France ? – Oui, si l’on considère que la « région France » est un marché « libre et non faussé ». Non, si l’on considère que l’État – libéré des contraintes de Bruxelles - devrait revoir de fond en comble les aides à la presse. Ces fonds publics ne devraient être versés qu’à condition que leurs bénéficiaires respectent des objectifs éthiques et sociaux précis et qu’ils paient leur abonnement AFP à son juste prix, car il s’agit de l’agence de presse subventionnée par ces mêmes fonds publics, au titre de sa mission d’intérêt général.
  • Un financement public plus conséquent de l’AFP nuirait-il à son image d’indépendance ? – Oui, pour les puristes du libéralisme qui considèrent que chaque euro versé par l’État est de trop. Non, si l’Agence prouve au quotidien qu’elle agit dans l’intérêt général et qu’elle fait vivre l’un des principes fondateurs de son Statut de 1957 : celui qui paye ne décide pas.

Résumé et conclusions

Mise en place sur décision politique - par vote unanime des députés - l’AFP fait historiquement partie des joyaux de la République. Tout comme les services publics de l’éducation, de la santé, de l’emploi, des transports, de l’énergie ou la Sécurité sociale, le système de retraite par répartition, les chantiers navals et d’autres entreprises stratégiques…

Aujourd’hui, il devient de plus en plus évident que l’on n’arrivera pas à satisfaire les besoins sociaux, culturels, démocratiques et environnementaux des citoyens sans rompre avec les logiques politiques et financières qui visent à détruire ces acquis, au bénéficie des intérêts particuliers motivés par le profit.

Mais qui, en dehors de l’Agence, a conscience que l’AFP elle aussi est en train d’être bradée, car transformée en objet des convoitises financières ?

SUD appelle le personnel à résister au Plan Fries :

Car sans moyens matériels et humains adéquats, l’AFP ne pourra plus agir dans l’intérêt général. SUD refuse de choisir entre réduction de postes et diminution des droits sociaux et fera tout pour démontrer le plus concrètement possible la dangerosité de ce plan.

Car chacun à l’AFP comprend ce que le Plan Fries risque de détruire, alors qu’il ne propose aucune sortie du tunnel crédible et motivante.

Car l’austérité prônée par le Plan Fries ne se justifie pas  : elle est le fruit d’une stratégie politique. L’État doit compenser le coût de la Mission d’intérêt général à 100%, rétroactivement comme à l’avenir. L’État doit aussi éponger la dette de l’AFP et subventionner ses investissements, quitte à transgresser les nocives règles de Bruxelles.

Car nous refusons la perspective d’une AFP profondément transformée par le Plan Fries  : le texte doit être le cœur du métier, car c’est surtout l’activité texte qui permet de vérifier si l’AFP agit encore dans le cadre d’une information au service de l’intérêt général ou au service d’intérêts particuliers, dans la réclame, la communication voire dans la propagande.

Car un autre rapport de force interne est nécessaire  : le personnel et ses organisations doivent dépasser leurs divisions et agir contre le Plan Fries. Si nous bougeons, tous ensemble, nous aurons de puissants adversaires : le PDG de l’Agence, le gouvernement français, la Commission européenne, les principaux concurrents qui se délectent des difficultés de l’AFP et les groupes financiers qui lorgnent sur ses activités potentiellement les plus profitables. Mais nous serons aussi mieux entendus des acteurs politiques, économiques et sociaux autour de nous qui se battent contre les mêmes logiques politico-financières, et des citoyens attachés à une information pluraliste, complète, indépendante des pouvoirs politiques et financiers.

Pour aller plus loin, lisez notre analyse du Plan Fries et de ses objectifs :
« La casse de l’AFP en marche »,

Paris, le 8 novembre 2018
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)

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Sur le même sujet :
L’AFP n’est pas éligible au Fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) - Compte rendu d’une rencontre de l’intersyndicale avec Fabrice Fries