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Indémnité congés payés : l’AFP doit à ses salariés des milliers d’euros

lundi 29 novembre 2010

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Une organisation syndicale a récemment évoqué une affaire à peine croyable, déjà discrètement soulevée par d’autres auparavant. Le 18 novembre, Force Ouvrière a écrit que « depuis des années, les directions de l’AFP appliquent pour le calcul des indemnités de congés payés du personnel une méthode qui lèse fortement les salariés...  ». Ne croyant pas au Père Noël, SUD a mené son enquête. Voici ce qu’il en ressort.
 

Indemnité congés payés

Contrairement à une idée reçue, lorsque nous prenons nos congés, l’employeur n’est pas simplement tenu de maintenir notre salaire mais de nous payer une indemnité. Au moment où tous les acquis sociaux sont rabotés, cela peut paraître incroyable, mais c’est vrai : à l’issue d’un mois de vacances, on devrait dans la plupart des cas trouver en bas de notre bulletin de paie une somme plus importante qu’au bout d’un mois de travail.

L’explication se trouve à l’article L3141-22 du Code du travail : « Le congé annuel prévu par l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence » (entre le 1er juin de l’année précédente et le 31 mai de l’année en cours). L’article précise également que l’indemnité « ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler. »

Premier constat : cette « règle du dixième » n’est pas appliquée à l’AFP. Il faudra regarder de plus près, pour chaque catégorie professionnelle, mais d’ores et déjà, SUD a la conviction que pour la plupart des salariés statut siège l’AFP ne respecte pas la loi, et ce depuis très longtemps.

S’agit-il de sommes importantes ? Oui. L’indemnité congés payés étant calculée en fonction de la situation individuelle de chacun, nous ne sommes pas en mesure d’avancer des chiffres précis pour tout le monde. Cependant, pour donner un ordre de grandeur : pour un journaliste RED5, ancienneté supérieure à 20 ans, qui touche une prime de rendement de 139,50 € brut, nous estimons que le manque à gagner pour l’année 2009 (44 jours de congés) est d’environ 1.100 € brut !
 

Treizième mois

Autre problème : l’assiette sur laquelle est calculée l’indemnité congés payés. Selon la jurisprudence, certaines primes rentrent dans l’assiette de calcul, d’autres pas. Ainsi, les primes annuelles ne sont pas prises en compte, ce qui laisserait à penser que le 13e mois en est exclu. Sauf que… Là aussi, il faudra regarder pour chaque catégorie professionnelle et peut-être même chaque contrat de travail.

Toutefois, SUD affirme que pour les journalistes, le doute n’est guère permis, car leur convention collective nationale est formelle. Son article 25 précise : « À la fin du mois de décembre, tout journaliste professionnel percevra à titre de salaire, en une seule fois, sauf accord particulier, une somme égale au salaire du mois de décembre. »

L’essentiel se trouve dans la précision « à titre de salaire » : l’indemnité étant calculée sur le salaire, le 13e mois des journalistes doit être pris en compte. L’AFP ne le fait pas !

Dans l’exemple du journaliste RED5, en intégrant le 13e mois dans le calcul du dixième, nous estimons que la différence entre sa paie en 2009 et celle qu’il aurait dû toucher se situe non plus à 1.100 €, mais aux environs de 1.900 € brut.
Et ce n’est peut-être pas tout. Les journées de RTT prises doivent-elles être rémunérées sur la base du maintien du salaire ou en appliquant la règle du dixième ? Rien n’est sûr, mais on peut se poser la question…
 

Comment est-ce possible ?

Reste à savoir pourquoi ce non-respect du droit ne nous a pas sauté aux yeux. La quasi-totalité des organisations syndicales (y compris SUD) a sûrement manqué de vigilance.
 
Quelques précisions :

  • Apparemment à l’AFP le 13e mois n’est jamais rentré dans l’assiette de calcul de l’indemnité congés payés (ni de l’indemnité RTT).
  • La règle du dixième a été instaurée par l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982, dans le cadre de la création de la 5e semaine de congés payés. A l’AFP, soit elle n’a jamais été appliquée, soit le passage à un mode de calcul moins favorable a pu passer inaperçu au cours des années 90, marquées par de nombreuses lois sur la réduction du temps de travail et leur transposition dans des accords d’entreprise.

A qui la faute ?

Il est probable que les personnes qui ont pris ces décisions ne sont plus à l’AFP. Alors, qui était au courant ? Qui est responsable ?

Dans les grandes entreprises, les ordinateurs de la Paie (ou, dans le cas de l’AFP, d’un prestataire extérieur) sont programmés pour appliquer au calcul de l’indemnité congés payés les deux modes possibles (maintien du salaire et règle du dixième), avant de choisir automatiquement la solution la plus favorable pour le salarié, comme la loi le stipule. A l’AFP, seules quelques rares personnes détiennent la clé de la formule. Mais il est peu probable que ces personnes aient décidé de leur propre initiative de réaliser ces économies sur le dos des salariés.

Ce qui est sûr, c’est que Pierre Louette (PDG de 2005 à 2010) était au courant. Ancien de la Cour des comptes, il avait été dépêché en 2003 à l’AFP pour surveiller la gestion financière de l’agence, en tant que n°2 de Bertrand Eveno. On ne peut pas imaginer un seul instant qu’il n’ait pas été au courant de ces pratiques illégales.

D’autant qu’il a dû être alerté en 2005/2006 par une action syndicale concernant un groupe de cadres administratifs qui a obligé l’agence à régulariser leur situation, moyennant le versement d’une somme importante.

Quant à Emmanuel Hoog, surpris par les véritables bombes à retardement que son prédécesseur lui a laissées, il a convoqué l’intersyndicale vendredi soir (26 novembre), pour nous annoncer un audit social qui sera mené par IDée Consultants.

Visiblement mal informé par ses directeurs, qui se révèlent incapables de déminer le terrain, M. Hoog doit craindre la multiplication des crises (après celle de la rue Vivienne) qui risqueraient d’entacher son mandat.

Un audit social vise généralement à dégager de nouvelles « marges », sur le dos des salariés. La plus grande vigilance est donc de mise. Sans illusions, SUD demandera à être auditionné pour contribuer à faire la lumière sur la dégradation des conditions de travail, la précarité « visible » et « invisible », les injustices sociales, les différences de statut…, bref : les pratiques souvent immorales et parfois illégales, et en tout cas contraires à l’éthique d’une entreprise mondiale chargée d’une mission d’intérêt général.
 

Réclamons notre dû !

Il ne faudra pas que l’audit serve de prétexte pour retarder la résolution des problèmes urgents, comme l’établissement d’une radiographie complète de la précarité, à nouveau réclamée par l’Inspecteur du travail lors de la DPJ (réunion direction / délégués du personnel journaliste) du 25 novembre. Sans attendre, le PDG doit agir :

  • Faire toute la transparence sur les indemnités congés payés et RTT (toutes catégories de personnel confondues).
  • En venir enfin au respect de la loi.
  • Indemniser les salariés lésés en payant les différentiels des cinq dernières années (pour éviter les procédures en justice visant à récupérer ces sommes, sachant que tout ce qu’on nous a volé avant cette période de cinq ans est définitivement perdu).

Paris, le 29 novembre 2010 SUD-AFP (Union SUD Culture & Médias Solidaires)