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« Groupe d’experts » : Pierre Louette frappé lui aussi par la précarité !

lundi 21 décembre 2009

La nomination par Frédéric Mitterrand d’un groupe de cinq sages pour étudier la réforme de notre statut semble sonner le glas du fameux « Plan Louette », du moins dans la forme proposée par notre bouillant PDG. Nul doute que cette évolution soit en grande partie le fruit du combat mené par les syndicats et le personnel depuis plus d’un an, et qui s’est traduit par plusieurs mouvements de grève et une pétition internationale qui a recueilli plus de 20 000 signatures, dont celles de nombreuses personnalités politiques.

Mais si M. Louette est désavoué en tant que dirigeant, la menace contre notre agence est très loin d’être levée. Malgré l’image comique projetée involontairement par l’ Intranet de l’AFP à la mi-décembre, le "groupe d’experts" que vient de mettre en place le ministre Frédéric Mitterrand est loin d’être composé d’un vieil homme accompagné de souris. D’ailleurs son président, Henri Pigeat, est même en quelque sorte un père spirituel de M. Louette, ressorti d’un passé pas si lointain. En tant que PDG de l’AFP de 1979 à 1986, M. Pigeat a en fait mis en place bon nombre des mécanismes que M. Louette et le gouvernement cherchent aujourd’hui à pousser plus loin : marchandisation de l’info (diversification des "produits"), délocalisation, réduction du personnel "statut de siège", régionalisation à outrance. On rappelle très souvent que M. Pigeat, qui tout comme M. Louette avait un profil de haut fonctionnaire et de technocrate, a été chassé en décembre 1986 après la grève la plus longue de l’histoire de l’AFP (huit jours). Ce qu’on rappelle moins souvent c’est qu’il a laissé un trou budgétaire de 150 millions de francs et que malgré son éviction, le "Plan Pigeat" a été très largement appliqué !

Plus de 20 ans plus tard, nous constatons toujours ses conséquences néfastes. La balkanisation du personnel qu’a provoquée la régionalisation initiée par M. Pigeat peut se lire, au sens figuré comme au propre, dans le licenciement brutal et illégitime de deux journalistes à Sarajevo le mois dernier. Sans oublier le formidable développement de la précarité y compris parmi les salariés "de droit français", dont les statuts et les conditions de travail se dégradent face à un travail de sape qui tend à imposer un nouveau statut de l’agence. Cela se fait autant par petites touches que par une réforme législative en bonne et due forme.


  • NB : Pour en savoir plus sur le Rapport Pigeat d’avril 2010, voir le site "SOS-AFP".

Nouveaux produits bling-bling

Cette stratégie furtive a été illustrée à merveille lors de la dernière réunion du Comité d’entreprise, le 17 décembre. Dès le début, le PDG a cherché à nouveau à limiter l’expression des élus, en annonçant que pour cause d’ordre du jour chargé, il fallait éviter les "grandes déclarations". L’ordre du jour était en effet chargé - mais sur bon nombre de points la direction n’avait même pas pris la peine de fournir à vos représentants, en temps et en heure, les documents nécessaires à une appréciation des enjeux !

Parmi les points ainsi bâclés lors de la réunion du 17 décembre :

  • Une information de la direction concernant la création d’une filiale "AFP Services" en partenariat avec "Relaxnews" - une nouvelle transformation de nos activités "Corporate" qui comprendra la fourniture de contenus quasi-publicitaires à la demande et la fabrication d’une nouvelle version des "pages froides," cette fois-ci pour les sites web. Encore une alliance contre nature, encore des glissements déontologiques en perspective, sans oublier les contraintes nouvelles qui pèseront sur les salariés appelés à "piger" pour cette filiale en plus de leur travail de tous les jours.
  • Une réforme fondamentale du service de Documentation générale, qui tendra à le transformer en simple agrégateur de contenus rattaché au Desk multimédia, sans aucune garantie quant à la pérennité de ses missions de base. Lorsqu’on sait que la Rédaction en chef, apparemment fascinée par les seuls sites web, s’applique depuis plusieurs années à réduire au strict minimum la production de chronologies et de rétrospectives de fin d’année - sauf bien entendu pour les infos "insolites" et "people" - on mesure à quel point l’avenir "documentaire" de l’AFP est menacé.
  • L’information du CE concernant les nombreux nouveaux produits et services créés par cette direction, dans la plus grande opacité et souvent, comme par hasard, en dehors de notre coeur de métier. Pour cause d’"ordre du jour chargé" l’examen par le Comité de cette nébuleuse a été remis à plus tard pour la deuxième fois. Espérons qu’en janvier on pourra enfin apprendre combien a coûté l’aventure "Newzwag" (qui bouge encore, grâce au lancement prochain d’un "quizz" sur les sports et de nouveaux produits techniques pour les téléphones mobiles), sans oublier les bilans des autres Relaxnews, Citizenside, Peace and Sport et Mediawatch !

Le référendum bloqué

Autre initiative hasardeuse de notre PDG : le blocage du référendum sur le projet de nouveau statut. Les syndicats ayant décidé majoritairement de procéder à ce vote par voie électronique avec un système d’identification qui reposerait sur l’accès de chacun par son compte "AFP", Pierre Louette a annoncé qu’il nous refusait l’accès nécessaire au réseau informatique de l’agence. Décision qui ne fait que confirmer à quel point la direction doit redouter le résultat d’un tel vote : les parlementaires, y compris de la majorité, n’ont-ils pas déjà affirmé qu’aucune réforme ne devait se faire contre la volonté des salariés ? [1]
Pour SUD, cette décision ne fait que confirmer la nécessité d’organiser ce référendum de façon totalement indépendante et sous forme d’un vote papier, procédure beaucoup moins sujette à des risques de fraude que le vote électronique, fut-il organisé par les meilleurs informaticiens du monde. Quant à l’objection selon laquelle un tel vote prendrait trop de temps, il nous semble que dès lors que Frédéric Mitterrand a annoncé qu’il souhaitait recevoir le rapport de son fameux groupe d’experts en avril, nous disposons justement d’un peu de temps.
20 millions : la dotation transformée en prêt
Comme il l’avait déjà annoncé devant le Conseil d’administration, qui s’est tenu la veille du CE, le PDG a confirmé que l’Etat insiste dorénavant pour que les 20 millions d’euros prévus dans le cadre du COM pour le 4XML soient accordés sous la forme d’un prêt remboursable, et non pas en tant que dotation. Le 4XML qui est justement, selon nous, un des seuls projets de l’actuelle direction qui tienne la route. A condition bien entendu qu’il soit mené dans la transparence et dans un esprit de développement cohérent, sans être mis en cause par toujours plus de gadgets élaborés par des filiales détachées de la maison mère.
Comme vos représentants l’ont à nouveau expliqué à Pierre Louette lors du dernier CE, rien n’empêcherait le gouvernement de passer un contrat avec l’AFP pour des "missions d’intérêt général", y compris pour les 20 millions d’euros prévus comme sa contribution au programme 4XML, et cela sans toucher à notre statut. Mais notre PDG, qui se positionne davantage comme un représentant direct de l’Etat au Conseil d’administration que comme un défenseur de notre indépendance, ne veut pas en entendre parler. En signant le COM il a déjà accepté que la réforme du statut soit de fait une condition pour l’octroi des 20 millions ; aujourd’hui on apprend que faute de la fameuse réforme, l’Etat "ne peut pas" nous les fournir autrement que sous la forme d’un prêt !
Lorsqu’on voit les sommes allouées aux banques, les milliards dont seront "dotées" prochainement les fondations qui doivent financer quelques universités, lorsqu’on constate que l’Elysée aura dépensé cette année pas moins de 7,5 millions d’euros de notre argent pour sa seule communication (Cf. "Le Parisien" du 14 décembre 2009), et que certains des contrats mirifiques de sondages accordés en 2008 l’étaient sans appels d’offres (selon un rapport de la Cour des Comptes.), on a du mal à croire que seule la grande méchante Commission européenne empêche l’Etat français de jouer son rôle par rapport à la troisième agence de presse mondiale !
Au fait, l’annonce sarkozienne de ses projets pour l’université ne devrait-elle pas faire réfléchir les promoteurs syndicaux de la "fondation-qui-remplacera-la-société-par-actions". Veut-on réellement voir une AFP financée, comme les nouvelles hyper-facs annoncées par l’hyper-président, par une fondation assise sur des investissements boursiers ?

Déménagement-démantèlement

Un autre aspect de la réforme "furtive" que tente de nous imposer Pierre Louette va revenir devant le Comité hygiène et sécurité (CHSCT) dès le mois prochain. Solution de compromis proposée par une magistrate suite à l’action en justice intentée par la direction : une "information" sur le déménagement rue Vivienne sera à l’ordre du jour de la réunion du 6 janvier 2010.
En signant le bail de ces locaux, la direction a tenté de faire passer en force sa réforme multimédia, alors qu’elle pourrait fort bien les utiliser pour héberger les salariés du Palais Brongniart et de la rue de la Bourse. Au lieu de cela, elle continue à soutenir qu’il faut absolument y déménager une partie de la rédaction, coupant ainsi en deux le coeur de l’agence.
Seule une opposition résolue du personnel pourra empêcher une telle issue. Rien n’empêche d’aménager les espaces de notre siège historique pour le multimédia !

Enterrement du plan de départs, version a minima du "plan seniors"

Les élus du CE ont également constaté le retrait du plan de départs anticipés, victime collatérale du désir de notre direction de réduire le personnel tout en chargeant la barque avec toujours plus de projets, toujours plus de produits souvent mal conçus et menés avec des bouts de ficelle.
Si SUD comprend le désir de certains salariés de pouvoir quitter l’entreprise dans des conditions décentes avant l’âge légal de la retraite, nous ne pouvons pas cautionner des dispositifs qui visent à comprimer la masse salariale et à rendre les conditions plus dures pour les nouveaux arrivants et ceux qui restent. D’autant que la direction avait clairement laissé entendre qu’elle envisageait d’augmenter le nombre de postes de statuts locaux pour remplacer les postes “statut siege” ainsi perdus. Sans oublier les postes divers et variés dans les nouvelles filiales comme "AFP Services/Relaxnews", qui échapperont de fait à la supervision de vos représentants syndicaux.
Enfin, en l’absence d’un accord syndical sur le "plan seniors", la direction mettra en oeuvre, comme la loi l’y oblige, un plan a minima qui comportera des mesures modestes, notamment dans le domaine de la retraite progressive pour les plus de 60 ans. Mais qui ne prévoit aucune amélioration des plans de carrière (celui des journalistes aurait besoin d’être prolongé).

Et toujours, la précarité

Pendant ce temps - et malgré la récente mobilisation du personnel -, la direction continue d’affirmer que « l’AFP ne peut pas titulariser tous les précaires ». Face à ce dogme, les principaux arguments SUD :

  1. L’AFP a fait appel aux précaires : beaucoup d’entre eux y travaillent depuis de nombreuses années. Leur non-titularisation tient à des raisons idéologiques : M. Louette doit pouvoir dire à Bercy qu’il n’a pas fait exploser le nombre de salariés CDI statut siège. Pour beaucoup de précaires, leur embauche ne coûterait rien ou peu à l’AFP car ils travaillent déjà de façon régulière sur des postes vacants ou transformés en postes de pigistes permanents (banlieue, province).
  2. La raison d’être des syndicats consiste à défendre les droits moraux et sociaux des salariés, de TOUS les salariés. Les précaires auxquels l’AFP a régulièrement fait appel attendent légitimement leur titularisation. Et la précarité est une menace sur l’indépendance de la rédaction, car elle vise à produire des salariés fragilisés et dociles.
  3. Malgré la crise économique et les rabais accordés aux médias français, l’Agence est bénéficiaire depuis 2006 : de 3 millions d’euros en 2006, 5 millions en 2007, 3 millions en 2008, selon les chiffres communiqués par le PDG devant les députés. Lors du CE du 19 novembre, M. Louette a même révélé qu’en 2008, l’AFP aurait dégagé un résultat net de 6,5 millions si elle n’avait pas fait une provision de 5 millions pour le plan de départs. Et il a lourdement insisté pour qu’on dépense en 2009 ces 5 millions, car sinon, on finira l’année avec un bénéfice de 6 millions, ce qui serait « difficile à expliquer aux clients qui viennent nous demander des rabais. ». Mais, ajoutons-nous, c’est aussi difficile à défendre face à des salariés qui ne demandent qu’à sortir de la précarité !

En l’absence d’une nouvelle mobilisation intersyndicale, SUD-AFP a remis à l’Inspecteur du Travail un dossier détaillé sur la précarité, mettant le doigt sur les nombreuses situations de non-respect du droit. Personne n’a envie de commencer sa carrière par une procédure devant les tribunaux. Mais si c’est ça ou le chômage !? Nous sommes prêts à accompagner les salariés qui défendent leurs droits, que ce soit dans le dialogue social, la lutte collective ou l’action en justice.

Lutter, s’organiser, résister !

Autre annonce faite lors du dernier conseil d’administration : nos salaires, gelés depuis le 1er mars 2009, ne bougeront pas en 2010, alors que nos charges sociales augmentent de nouveau au 1er janvier 2010.
Plus généralement, l’agence est entrée dans une nouvelle ère : finie l’époque où les salariés pouvaient se dire qu’il n’arriverait « rien de grave car l’Etat assurera » ! Toute la politique actuelle du gouvernement et de Pierre Louette vise à imposer des choix qui ont été faits sans nous et contre nous.
L’heure n’est pas à l’accompagnement de ces mesures antisociales, elle est à la résistance.
Sur le statut, SUD a été en 2009 l’un des moteurs de l’Intersyndicale : nous avons activement contribué au succès de la pétition www.sos-afp.org, insisté sur la nécessité de demander ensemble l’abandon du projet de révision du statut et avons été le premier syndicat à militer en faveur d’un référendum du personnel.
En 2010, il faut faire pareil sur le volet social (emploi, précarité, salaires…) : l’Intersyndicale devra retrouver la voie de l’unité et passer à l’action.

Après les fêtes, rejoignez-nous, pour renforcer le syndicalisme solidaire, unitaire et démocratique ! En 2010, adhérez à SUD !

SUD-AFP (SUD Culture Solidaires), 21 décembre 2009


[1Cf http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/cr-cedu/09-10/c0910018.pdf, page 21, intervention du député UMP Michel Herbillon.