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Nos indemnités congés payés : ce n’est pas fini !

vendredi 14 décembre 2012

  • La direction peine à régulariser son dû
  • De nombreuses questions restent en suspens
  • Des contentieux sont en cours.
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Il y a un an, 1.200 salariés de l’AFP ont reçu, avec leur paie de novembre, une somme plus ou moins conséquente correspondant à une régularisation partielle des indemnités congés payés. On se souvient : alors que certains touchaient ainsi jusqu’à plusieurs milliers d’euros, d’autres devaient se contenter d’un rappel inférieur à un billet de 100. Sans parler des expatriés, CDD, pigistes permanents ou anciens salariés qui restent un an après toujours dans l’attente d’un début de régularisation.
Bilan et perspectives.

Partir en vacances coûte cher

Bonne surprise pour la majorité d’entre nous : la plupart de ceux qui ont pris des congés payés depuis le début de l’été 2012 ont pu constater qu’ils étaient mieux payės pour les vacances que pour les périodes travaillées. Étonnant - n’est-ce pas ? - au moment où la pensée dominante assimile tout acquis social à un privilège. Mais en fait c’est le résultat d’une disposition législative prise par la gauche dans les années 80, dans la foulée de la création d’une cinquième semaine de congés payés pour tous.

Comme nous l’avons déjà expliqué, en vertu de cette réforme sociale le Code du travail prévoit que l’employeur doit choisir entre deux modes d’indemnisation des congés payés : celui du "maintien" du salaire et celui dit "du Dixième". Pour chaque salarié, l’employeur doit appliquer le mode de calcul le plus favorable des deux (cf. http://www.sud-afp.org/spip.php?article119)

La direction reconnaît ne pas avoir respecté cette loi depuis 1997. Or, depuis que nos salaires sont quasiment bloqués, la règle du Dixième est plus favorable pour la plupart d’entre nous. Cette règle étant enfin appliquée, nous sommes désormais mieux payés pour les jours de congés qu’en vertu du simple "maintien du salaire". Ce qui n’a absolument rien de choquant, car tout le monde le sait : partir en vacances coûte cher.

Un scandale énorme

Légalement, les salariés ne peuvent récupérer leur dû que sur les cinq derniers années. C’est pourquoi M. Hoog a procédé à une régularisation sur cinq ans, pour une somme globale de 2,5 millions d’euros (hors expatriés). Reste que la direction avait sciemment renoncé à appliquer la loi depuis 1997. Sur neuf ans (1998-2006) les salariés ont été privés de leur dû sans aucun dédommagement !

Il semble réaliste de penser que la somme non payée au cours de ces neuf années représente au moins le montant de 2,5 millions d’euros versé pour la période 2007-2011.

De l’argent qui a été volé aux salariés et qui n’a jamais été déclaré au fisc et aux organismes sociaux (Assedic, Urssaf, caisses de retraite…). Accessoirement, le Comité d’entreprise a lui aussi été lésé, puisque son budget a été calculé sur une masse salariale minorée, ne tenant pas compte de la partie des indemnités non payées.

Nous l’avons déjà expliqué : quand Pierre Louette a quitté l’AFP pour poursuivre sa carrière dans le privé, les pouvoirs publics, mais aussi certains syndicalistes, lui attestaient ses qualités de bon gestionnaire. En réalité son bilan était truqué, car il savait que l’AFP ne respectait pas les textes et devait à ses salariés des centaines de milliers d’euros.

M. Hoog ne fait pas beaucoup mieux. Se présentant comme l’homme qui doit "solder les erreurs du passé", il régularise à minima, tout en sachant qu’au final la facture sera beaucoup plus salée.

Car plusieurs problèmes ne sont toujours pas réglés et, comme tout employeur, l’AFP a signé des textes qui l’engagent légalement vis-à-vis de ses salariés. Mais M. Hoog et son entourage misent sur la lenteur des procédures judiciaires en cours et sur la passivité des syndicats.

Des problèmes non réglés

  • La direction reconnaît devoir encore régulariser la situation des expatriés. Elle a promis de le faire avant la fin 2012. Mais elle se heurte à une difficulté de taille : au non-respect des dispositions du Code du travail sur les indemnités congés payés s’ajoute le fait que la paie des expatriés de l’AFP est très "limite" au niveau légal. L’agence a déjà eu des redressements fiscaux dans plusieurs pays, et dépensé quelque 900.000 euros en 2012 pour régulariser les situations juridiquement intenables de certains expatriés. La paie des expatriés, tout comme le manque de droits sociaux des salariés locaux à l’étranger, fait partie des "pratiques immorales et parfois illégales" que SUD dénonce depuis des années, pour que l’AFP mette enfin son fonctionnement en accord avec sa mission d’intérêt général et avec les règles sociales et éthiques.
  • La direction a régularisé les indemnités congés payés d’une poignée de CDD qui étaient sur des contrats de longue durée. En revanche, ont été "oubliés" les précaires - CDD, pigistes, expatriés sous contrat local "low cost" - qui devraient normalement faire partie des CDI statut siège parce qu’ils assurent un travail permanent pour l’Agence (ou l’ont assuré avant leur titularisation ou avant la rupture de leur contrat avec l’AFP). Un comportement irréprochable, légalement et moralement, consisterait à requalifier rétroactivement leurs contrats en contrats CDI statut siège et à régulariser leurs indemnités congés payés.
  • Certains salariés ont quitté l’agence dans le cadre d’un arrangement personnalisé, avec un gros chèque. SUD n’a jamais cautionné cette pratique à la tête du client, qui a été dans certains cas carrément frauduleuse. Nous pensons que la direction a raison de considérer que leur prime exceptionnelle de départ couvre la régularisation des indemnités congés payés. En revanche, d’autres sont partis dans le cadre des règles conventionnelles ou des accords d’entreprise. Quand la direction leur a fait signer leur solde de tout compte, elle n’était pas de bonne foi, car elle savait pertinemment qu’elle ne respectait pas la règle du Dixième pour le paiement des indemnités congés payés. SUD soutient l’action devant les Prud’hommes entamée par plusieurs retraités de l’AFP qui demandent ainsi leur juste dû. L’audience est prévue le 13 février 2013.

Au-delà de ces dossiers résiduels de la régularisation partielle mise en œuvre par M. Hoog, il reste des problèmes collectifs, et de fond.

Litige sur les conventions collectives

Adhérente à la FFAP (Fédération française des agences de presse) et relevant de l’ordonnance de 1945, l’AFP bénéficie de la TVA à taux réduit (cf. http://www.ffap.fr/Default.aspx?lid=1&rid=108&rvid=121 ) Mais, visiblement, la direction veut le beurre et l’argent du beurre. Car cet avantage a des contreparties qu’elle refuse de respecter : les conventions collectives signées par la FFAP. Globalement ces textes ne sont pas plus favorables pour les salariés que les conventions et accords actuellement appliqués à l’AFP. Mais certaines dispositions le sont. Cela concerne entre autres la convention FFAP pour tous les salariés à statut de cadre (donc y compris les journalistes). Pour eux, la convention FFAP prévoit un congé ancienneté, qui n’existe pas (ou plus) à l’AFP :
"2 jours ouvrables après 5 ans de présence dans l’entreprise portés à 4 jours ouvrables après 10 ans de présence dans l’entreprise portés à 6 jours ouvrables après 15 ans de présence dans l’entreprise. "

Ce congé doit s’ajouter aux congés garantis par les autres textes en vigueur, qui ne prévoient pas un congé ancienneté.

Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 novembre 2011 a condamné l’AFP pour "résistance abusive", pour ne pas avoir appliqué les conventions FFAP. Étant donné qu’elle est allée en cassation, cet arrêt n’est pas encore exécutoire pour nous tous, mais uniquement pour le salarié qui a gagné cette procédure. Reste que ce congé ancienneté est un dû ; tout salarié peut saisir les prud’hommes pour exiger le paiement de ces congés rétroactivement sur les cinq dernières années.

Et le 13e mois ?

Autre engagement que la direction ne respecte pas : celui qui précise que le 13e mois doit rentrer dans l’assiette de calcul de l’indemnité congés payés. La direction actuelle cite la jurisprudence selon laquelle les primes d’intéressement et de fin d’année ne doivent pas être pris en compte. Cependant, selon l’article 25 de la convention collective nationale des journalistes, le 13e mois n’est pas une telle prime mais versé "à titre de salaire" ; il s’agit d’un "mois double". C’est sans doute en référence à cette disposition qu’un Protocole d’accord de 1999, qui porte les signatures de l’ex-PDG Jean Miot et du délégué du syndicat CGT majoritaire parmi les ouvriers, précise : "Pour tenir compte de la rémunération des congés payés et des repos compensateurs à l’Agence, et par analogie aux dispositions prévues pour les autres catégories, tous les éléments de salaire fixe (salaire de base, primes, 13e mois) et variable (prime permanence, heures supplémentaires...) entrent en compte intégralement dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés."

Curieusement, ce texte n’a jamais été appliqué. SUD a récemment informé la direction de son adhésion à cet accord et réclamé que le 13e mois soit intégré dans la base de calcul des indemnités congés payés de TOUS les salariés de l’AFP.

Passer l’éponge ?

Le scandale des indemnités volées relève d’une gestion irresponsable et immorale d’une entreprise qui bénéficie de financements publics, en contrepartie aux missions d’intérêt général qu’elle remplit.

Il y a un an, nous avons souligné qu’il fallait "faire toute la lumière sur le scandale des indemnités congés payés, sur les responsabilités et sur l’ensemble des conséquences sociales et légales." Et nous ajoutions : "Il est dans l’intérêt du personnel que les syndicats prêts à mener ce combat privilégient - dans la mesure du possible - les solutions unitaires et collectives aux démarches individuelles et catégorielles."

Nous ne lâcherons rien !

Paris, le 14 décembre 2012
SUD-AFP (SUD Culture & Médias Solidaires)