L’AFP sortira-t-elle par le haut d’une décennie d’incertitudes et de crises ? À en croire les affirmations du PDG et les communiqués de la direction, tout semble prêt "pour préparer au mieux la nouvelle ère qui s’ouvre dans les relations entre l’AFP et l’Etat" : le contentieux avec Bruxelles serait en voie d’être résolu, la préparation du Contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018 prometteuse et bien avancée, la mission confiée au député Michel Françaix une "opportunité" pour "s’assurer que l’environnement dans lequel l’Agence évoluera préserve au mieux ses intérêts et garantisse sa capacité à se développer et à innover dans le respect de son indépendance."
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Hoog a annoncé un nouveau chantier qu’il entend mener à bien au cours de son deuxième mandat (2013-2016) : "construire un nouveau contrat social pour l’Agence qui passe par la négociation d’un grand accord d’entreprise par ailleurs protecteur pour les salariés."
Nouveaux droits ou nivellement par le bas ?
Des précisions ont été données après le Comité d’entreprise du 19 septembre :
"Le dispositif social actuel, disparate et parfois incohérent, n’est pas adapté à la bonne marche d’une entreprise de plus de 2000 collaborateurs, présente dans 150 pays, réalisant un chiffre d’affaires de plus de 250 M€. La construction de cet accord impliquera une remise à plat d’un certain nombre de textes et de pratiques et s’inscrira dans le cadre des conventions collectives existantes. Il devra notamment porter sur les questions relatives aux parcours professionnels, à la rémunération, au temps de travail et à l’organisation du travail, le tout dans le souci d’une meilleure cohérence de nos métiers et dans une perspective de plus grande cohésion sociale." (AFP-Info n°30 : lien intranet http://u.afp.com/JHf - texte non disponible de l’extérieur de l’AFP).
Qu’on le veuille ou non, un aggiornamento des relations sociales à l’AFP est effectivement inévitable :
- Les droits sociaux, démocratiques et professionnels varient selon le statut, la catégorie professionnelle et - dans la pratique - parfois selon le sexe, la nationalité, voire le positionnement des salariés en accord ou en désaccord avec les options prises par la direction.
- Certains accords d’entreprise ne sont pas appliqués, ou seulement partiellement, notamment le Protocole de 69, un très bon texte auquel nous souscrivons sans réserve. Dans ce texte, la direction assure au personnel statut siège "une protection efficace" et s’engage à maintenir "un climat de confiance". Problème : ce texte sert encore de référence mais chacun y prend ce qui l’arrange et ignore ce qui ne l’arrange pas. Exemple : la direction a pris des mesures unilatérales - comme le non-affichage de certains postes ou la fameuse "règle de 4 ans" pour la mobilité des journalistes - qui vident de leur sens les dispositions du Protocole de 69. Les journalistes contraints de venir travailler à Paris parce que la direction a décidé que leur affectation en région ou à l’étranger est terminée, en savent quelque chose.
Permettre une évolution de carrière motivante pour tous, améliorer le pouvoir d’achat, éradiquer la précarité, sont autant d’objectifs qui pourraient donner corps à un "nouveau contrat social" à l’agence. Mais est-ce cela que vise M. Hoog ?
Nouveaux sacrifices ?
L’annonce de la "remise à plat" intervient alors que le pouvoir d’achat a reculé pour une majorité d’entre nous et que les moyens de fonctionnement de l’agence sont fortement altérés par les mesures budgétaires restrictives.
Il est important d’analyser cette situation avec lucidité, sans céder à la panique et sans verser dans le catastrophisme. Le fait est que grâce aux efforts du personnel et malgré la crise économique et un environnement concurrentiel, les difficultés financières actuelles ne sont pas dues à un effondrement spectaculaire des recettes commerciales de l’agence.
Ces difficultés sont essentiellement le résultat du désengagement de l’Etat et de décisions des directions successives : non-respect par l’Etat de la promesse d’aide directe de 20 M€ pour la mise en place du nouveau système rédactionnel Iris (4XML), nécessité de recourir à un financement coûteux entraînant un important endettement de l’agence, travaux au siège surdimensionnés par rapport aux capacités de financement...
D’où l’importance de l’issue du contentieux avec Bruxelles et des négociations sur le Contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018. C’est dire que l’avenir de l’agence dépend, comme souvent, de décisions politiques beaucoup plus que des aléas du marché.
En période de politique d’austérité de l’Etat, de nouveaux mauvais coups sont à craindre contre les personnels de l’agence et son indépendance. Comme souvent dans le passé, le personnel saura se mobiliser, à condition que l’intersyndicale retrouve son unité, dans l’action.
Dans ce contexte, si le "nouveau contrat social" souhaité par M. Hoog vise à harmoniser les droits de tous sans les diminuer, nous disons OUI. Si au contraire le PDG s’imagine pouvoir moderniser l’agence contre le personnel et en rabotant ses droits sociaux, nous disons NON.
Paris, le 30 septembre 2013