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Contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018 : l’Etat accentue son désengagement vis-à-vis de l’AFP

vendredi 3 octobre 2014

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Les masques tombent : le projet de loi de finances 2015, dévoilé le 1er octobre, prévoit d’accentuer le désengagement de l’Etat vis-à-vis de l’Agence France-Presse. Au-delà des effets d’affichage ("2 M€ / Soutien pour la modernisation de l’AFP"), on constate que l’évolution des versements prévus dans le cadre du prochain Contrat d’objectifs et de moyens (COM) est nettement en deçà des engagements pris au cours des précédentes années.
Qu’on en juge en relisant le COM 2009-2013 (COM-2) :

  • "L’Etat s’engage à augmenter de 1,8% par an le montant versé chaque année à l’AFP (...)."
  • "D’autre part, l’Etat contribuera à financer les investissements de l’AFP, dans le cadre de son projet 4XML, en lui apportant un financement d’un montant de 20 M€ sur la période 2009-2013" [1].

On sait ce qu’il en est advenu des 20 M€ pour la mise en place du 4XML-Iris : l’aide promise a été transformée en prêt très coûteux, accentuant l’endettement de l’AFP. La subvention initialement promise risquait en effet d’être contraire aux règles européennes de la "concurrence libre et non faussée".
Quant aux engagements concernant la couverture des frais de fonctionnement (+1,8% par an), ils ont été globalement respectés. Les versements de l’Etat—sans lesquels l’AFP n’existerait pas puisqu’ils représentent 40% de ses revenus annuels—étaient fixés en 2014 à 123 M€.

Et que prévoit le projet de budget du ministère de la Culture et de la Communication ? Pour 2015, les versements de l’Etat augmenteraient de 2 M€ (soit +1,6%). Puis, cet "effort sensible" serait "poursuivi à hauteur de 0,8 M€ en 2016 et +0,4 M€ en 2017", soit +0,6% en 2016 et +0,32% en 2017 ! Et +0% en 2018 ?

A la lumière de ce projet [2] , on comprend mieux l’irritation du PDG Emmanuel Hoog, lorsque nous avons exprimé devant le Comité d’entreprise notre crainte que le Meccano de financement actuellement mis en place pour l’AFP risquait d’aboutir à un nouveau désengagement de l’Etat.

Le PDG nous a répondu comme si nous avions prononcé un gros mot, oubliant sans doute que la direction de l’AFP avait elle-même publié en 2013, sur l’Intranet Asap, l’infographie qui suit. Dans cette infographie, la courbe noire descendante "TCAM" montre le "taux de croissance annuelle moyenne" (en euros constants) de la contribution de l’Etat au budget de l’AFP.

Avec ce qui est prévu dans le prochain COM, selon le projet de loi de finances 2015, cette courbe accentuera sa descente.

L’avenir de l’AFP est en jeu !

Les chiffres annoncés par le gouvernement montrent que les annonces sur les "perspectives positives" et la "résolution" du conflit avec Bruxelles étaient prématurées.

Malgré l’enfumage et le manque de transparence de la part de la Commission européenne, des autorités françaises et de la direction de l’AFP, on découvre petit à petit la vérité sur la situation actuelle et l’avenir proche de l’unique agence de presse mondiale qui soit statutairement indépendante des pouvoirs politiques et financiers :

  • Contrairement à ce qui a été dit, l’inscription de la notion de "mission d’intérêt général" dans la loi du 10 janvier 1957 n’a pas réglé le problème des subventions de l’Etat à l’AFP à l’égard des lois communautaires. Celles-ci autorisent des aides de l’Etat au fonctionnement de l’agence, mais pas à ses investissements.
  • Contrairement aux messages euphoriques, le contentieux avec Bruxelles n’a pas connu une issue positive et définitive : il peut être rouvert à tout moment et la Commission européenne a demandé au gouvernement français un train de mesures urgentes. Le gouvernement - sous la menace de sanctions financières lourdes, mais consentant - les a acceptées quasi intégralement.
  • Contrairement à ce qu’on laissait entendre, la Mission d’intérêt général de l’AFP, inscrite dans son Statut, n’a pas été reconnue une fois pour toutes par la Commission européenne. En réalité, Paris et Bruxelles ont dans un commun accord validé le fait que les activités de l’AFP sont soumises aux lois du marché et de la concurrence ; dans ce cadre, les Missions d’intérêt général de l’AFP sont tolérées pour un bail de 10 ans, éventuellement renouvelable, mais elles sont bridées ; l’agence doit augmenter son chiffre d’affaires en développant ses activités hors Missions d’intérêt général et en les filialisant. De telles diversifications hasardeuses font déjà partie du paysage, la dernière en date étant la filiale AFP-Services, dont les activités ne correspondent en rien aux critères définis par les deux premiers articles du Statut. On notera que les principaux revenus d’AFP-Services proviennent d’un client pour lequel cette filiale de l’AFP assure des activités de communication. Ce client est …la Commission européenne !
  • Contrairement aux promesses répétées, en vue d’une sanctuarisation de l’ADN de l’AFP (= les deux premiers articles du Statut, qui définissent sa Mission d’intérêt général) la proposition de loi Françaix se fait l’écho des exigences de la Commission européenne, en dénaturant l’Article 1 (voir notre communiqué "Questions sans réponse" ).
  • Contrairement aux affirmations, les chiffres du projet de loi de finances 2015 montrent que le financement de l’AFP est loin d’être sécurisé. La décélération des versements de l’Etat prévue par le nouveau COM mise visiblement sur une forte augmentation du chiffre d’affaires commercial. Nous restons toujours sans réponse à la question de savoir comment M. Hoog entend réaliser une augmentation de 2 à 2,5% par an, alors que le chiffre d’affaires a reculé de plus de 2% en 2013 et que le ralentissement de l’activité économique, provoqué par les stupides politiques d’austérité, ne laisse prévoir aucune amélioration.
  • Contrairement à ce que laissait miroiter le projet de Nouveau contrat social de M. Hoog, même une progression de la masse salariale limitée à 1% par an ne permettra pas de dégager des marges pour des augmentations générales, si la hausse des versements de l’Etat se situe nettement en dessous de +1% par an et si le décollage des recettes commerciales n’est pas au rendez-vous. Après déjà deux années de gel des salaires pour les personnels statut siège et une diminution du budget piges France, ces perspectives laissent prévoir un gel des salaires ad vitam aeternam. D’ailleurs, la Négociation annuelle obligatoire (NAO 2014) a échoué, selon un constat réciproque fait lors de la 3e réunion, le jeudi 2 octobre.
  • Quant à la filiale technique, proposée par Michel Françaix, on comprend qu’elle doit servir à utiliser des fonds publics pour des investissements, tout en respectant les règles communautaires. Reste à en connaître les modalités exactes, qui sont encore loin d’être transparentes.

Pour un débat démocratique !

Au risque de nous répéter, nous réitérons nos demandes, en les précisant : pour pouvoir réellement mesurer les conséquences des projets en cours, il faut que le gouvernement et la direction mettent cartes sur table :

  • Le gouvernement doit publier les échanges avec la Commission européenne sur le financement de l’AFP et sur l’obsolescence programmée de notre Mission d’intérêt général ! Toute la lumière devra être faite sur les conséquences de la mise en conformité de l’AFP avec les règles européennes, notamment en ce qui concerne l’interdiction des "subventions croisées". Jusqu’à preuve du contraire, cette interdiction constitue un frein au développement de la Mission d’intérêt général de l’agence et pourrait aboutir à son découpage progressif au niveau international, à l’instar des activités de l’AFP en Allemagne, qui sont considérées comme étant "en dehors de la mission d’intérêt général".
  • Le PDG doit publier le projet du Contrat d’objectifs et de moyens 2014-2018 et enfin répondre à nos questions sur l’évolution de la masse salariale, qui sont étroitement liées aux nouveaux mécanismes de financement de l’AFP prévus par la proposition de loi Françaix et le COM !

Avant de légiférer, il faut honnêtement analyser tous les tenants et aboutissants de la voie choisie. Et il ne faut pas hésiter à s’y opposer, si l’on constate que cette voie aboutirait à une remise en cause inacceptable des principes fondateurs de l’agence et de son unité, ce qui semble malheureusement être le cas.

A ceux qui nous opposent l’impossibilité de nous soustraire des règles européennes, nous signalons que le rapport d’étape de Michel Françaix, de janvier 2014, reconnait explicitement qu’il peut y avoir plusieurs voies pour développer l’AFP dans le cadre de ces lois communautaires.

A travers les nombreux questionnements que suscitent les projets actuellement en cours pour l’AFP, on constate une nouvelle fois que les règles européennes ne sont ni démocratiques, ni forcément dans l’intérêt général. Ce n’est pas surprenant pour ceux qui ont rejeté cette Europe-là, comme la majorité des citoyens français, lors du référendum de 2005.

Pour SUD, la défense de l’indépendance de l’AFP et des intérêts sociaux de ses salariés est indissociable de notre engagement en faveur d’une autre Europe.

Paris, le 3 octobre 2014

A relire : Quelle information AFP pour la France ? Communiqué SUD du 14 mars 2013