Le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté SUD de sa demande visant la suspension de l’élection des représentants du personnel au conseil d’administration (CA) de l’AFP. Nous ne commenterons pas l’ordonnance du TGI, qui n’est pas une décision de fond. Regrettable du point de vue de l’intérêt général de l’agence et des salariés, cette décision n’enlève rien à notre opposition aux modalités de vote ubuesques décidées par le gouvernement et par le PDG Emmanuel Hoog. Rappel des faits.
1/ Loi Françaix sur la modernisation de la presse
La Loi du 17 avril 2015 modifie le Statut de l’AFP et dote l’agence d’un nouveau modèle de financement, basé sur le désengagement financier de l’Etat français, et dont nous savons aujourd’hui qu’il ne fonctionnera qu’à une seule condition : que les salariés acceptent le « travailler plus » prôné par le gouvernement et M. Hoog.
La SDJ, le SNJ et la CFDT ont soutenu cette loi et se targuent aujourd’hui d’avoir obtenu une « avancée démocratique » : un siège supplémentaire pour les journalistes au CA. La création de ce 3e poste pour le personnel, dans un CA qui compte désormais 19 membres, ainsi que l’exigence de parité, motivent le déclenchement du nouveau processus électoral. En effet, ll a été décidé de renouveler les élus du personnel dans les trois mois après la promulgation de la loi (Article 13, 6° IV).
Cette disposition implique la destitution des deux représentants élus par le personnel en 2014. Un déni de démocratie !
2/ Le décret d’application de la loi de 1957, dans sa version du 23 juin 2015
Quand la parité prime sur les principes de démocratie. Article 11, 1° (collège journalistes) : « Chaque liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe et doit comporter quatre candidats. Le second élu doit être une femme si le premier élu est un homme et inversement. A cet effet, et en tant que de besoin, est proclamée élue une personne placée en deuxième position sur une liste. »
Quand 1 homme + 1 homme = parité. Article 11, 2° (agents des autres catégories de personnel) : « Chaque candidat se présente avec un remplaçant du même sexe. » Belle « parité » !
Article 11 bis, 5° : « En cas de cessation de fonction, en cours de mandat, d’un membre, son remplaçant doit être de même sexe. »
3/ La décision du PDG sur les modalités du scrutin (3 septembre 2015)
Le critère de six mois d’ancienneté. Plusieurs CDI de très longue date ont été en arrêt maladie récemment. Cette interruption au cours des 6 derniers mois les a injustement privé(e)s de leur droit de vote. Idem pour la quasi-totalité des CDD.
L’insuffisante prise en compte des salariés locaux. Sur un total de quelque 2.800 CDI et pigistes réguliers, 1.500 relèvent du droit français et 1.300 de statuts locaux ou régionaux. Mais la Commission paritaire chargée de superviser le scrutin ne comporte aucun représentant des salariés locaux. Seuls les syndicats représentatifs français y sont admis et ont participé en amont à des « réunions d’échanges » qui sont présentées aujourd’hui comme une véritable négociation.
4/ Des modalités fort contestables
De la décision du PDG découlent un calendrier trop serré et des modalités franco-françaises qui ne tiennent pas compte de la composition multiculturelle et multilingue du personnel mondial de l’AFP :
Le site de vote électronique uniquement en français. Cherchez les professions de foi ! Surtout si vous ne maîtrisez pas le français, vous aurez du mal à les retrouver.
D’autant que le mode d’emploi, envoyé aux électeurs en français et en anglais (mais pas en espagnol, arabe, portugais ou allemand) ne mentionne pas l’existence de professions de foi !
Ces professions de foi, censées permettre un choix démocratique, n’ont pas été envoyées aux électeurs. C’est l’électeur qui doit aller les chercher, soit sur le site électoral, soit sur l’intranet Asap.
Mais comment accéder à l’intranet et passer au vote, sans équipement informatique adéquat ? La liste électorale comporte 42 électeurs sans aucune adresse mail et 261 autres qui n’ont pas d’adresse en @afp.com. Qu’ils ne puissent pas accéder aux informations complètes et pleinement prendre part au vote, ne semble émouvoir pas grand monde…
L’indifférence, la pire des attitudes [1]
Lorsqu’on saisit la Justice, on ne gagne pas à tous les coups. C’est en prenant ce genre de risque que SUD a remporté en 2011 une bataille juridique, qui a permis de faire en sorte que l’élection des représentants du personnel de l’AFP devienne un véritable scrutin mondial.
Aujourd’hui, cet acquis pour l’ensemble du personnel de l’agence semble une évidence, mais à l’époque, il a fallu nous battre contre la direction, les élus au CA, la SDJ et les organisations syndicales majoritaires du siège .
Ces mêmes font aujourd’hui preuve d’indifférence face à des modalités électorales nouvelles, dont on ne se lassera pas de souligner le caractère ubuesque et injuste. L’absence de choix réels entre listes programmatiques différentes et la faible participation au scrutin en cours montrent qu’il y a quelque chose qui cloche.
Changer les modalités de vote, pour garantir les mêmes droits pour tous, reste un objectif d’intérêt général !
Paris, le 14 octobre 2015
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)
DOCUMENTATION
- "Modalités ubuesques, scrutin bâclé" - Communiqué SUD du 15 septembre 2015
- La Loi Francaix (LOI n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse)
- Le Statut de l’AFP (La Loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l’agence France-Presse), dans sa version de 2015
- Le Décret d’application (Décret n°57-281 du 9 mars 1957), modifié par le DÉCRET n°2015-721 du 23 juin 2015
- La décision du PDG sur les modalités de l’élection 2015
- Le calendrier électoral décidé par le PDG