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L’AFP en crise : Que faire face aux contraintes financières ?

lundi 17 octobre 2016

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D’autres choix sont possibles

Rien ne va plus à l’AFP : résultat annuel négatif, endettement accru, recettes commerciales en berne, restriction des moyens de fonctionnement, dégradation des conditions de travail et de rémunération.

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Les informations alarmistes sur la situation financière de l’Agence tombent au moment où la direction augmente la pression pour boucler la renégociation de la quasi-totalité des accords sociaux qu’elle a dénoncés en 2015. Le message est clair : « Nous n’avons pas les moyens de maintenir le niveau de vos acquis sociaux et devons vous demander de nouveaux efforts. Travaillez encore plus, sans contrepartie. Et regardez autour de vous, nous on ne licencie pas... »

Que faire face à ce discours ? Accepter la spirale infernale des sacrifices sans fin, sans aucune perspective crédible de sortie de crise ?

Essayons de comprendre : décryptons !

D’où vient la crise financière de l’AFP ? Disons-le tout de suite : si l’actuel PDG s’en va, il sera remplacé par un autre énarque qui poursuivra sa mission. Il suffit d’écouter le discours du nouveau DG Fabrice Lacroix pour s’en convaincre. Si SUD a toujours dénoncé le manque de sincérité et les manœuvres d’Emmanuel Hoog (notamment sur la casse du Statut de l’Agence, les négociations avec la Commission européenne et le gouvernement, le déménagement rue Vivienne), si nous critiquons comme tout le monde la « gestion Hoog », nous sommes toutefois convaincus que le vrai problème de l’AFP aujourd’hui, c’est son nouveau modèle de financement.

Finalisé en 2015 sous la houlette du gouvernement français et de la Commission européenne, ce nouveau modèle se résume ainsi : révision du Statut de 1957, Contrat d’objectifs et de moyens(COM) signé avec l’Etat - dans le cadre des règles européennes de la concurrence -, création de la filiale de financement AFP Blue, Plan stratégique de développement, dénonciation des accords sociaux

Tous ces éléments se complètent, pour former un ensemble cohérent (que SUD a dénoncé et combattu). Un an après ce Big Bang, il se confirme déjà que ce nouveau modèle nous conduit droit dans le mur. Lors du Conseil d’administration du 22 septembre, plusieurs administrateurs ont reconnu la nécessité de « redéfinir un modèle économique ».

Quelles spécificités pour l’AFP ?

Il est de bon ton aujourd’hui de résumer l’originalité de l’AFP par le fait que, ne disposant pas de capitaux, elle n’a pas de moyens d’en lever sur les marchés. C’est oublier la complexité du Statut « suis generis » de 1957, et c’est passer un peu trop vite sur le rôle essentiel joué par l’Etat. Qu’on le veuille ou non, l’AFP n’aurait jamais vu le jour sans la volonté du législateur de doter la République française (et donc les citoyens) d’une agence de presse mondiale.

La fragilité de son modèle de financement original résidait dans le fait que l’Agence ne pouvait tenir son rang mondial et s’adapter aux évolutions technologiques qu’à une condition : à côté de la contribution, proportionnellement faible, des groupes de presse français, l’AFP devait bénéficier de subventions publiques, pour assurer ses investissements et son activité au niveau mondial.

Aujourd’hui, cette spécificité originelle se heurte à trois obstacles majeurs  :

  • Les médias d’information français sont victimes de la concentration financière  : une poignée de milliardaires et de groupes industriels dominent la presse écrite et les chaines de télévision privée, réduisant le pluralisme de l’information. Depuis le début des années 1980, les groupes de presse représentés au Conseil d’administration de l’AFP ne contribuent plus au financement coopératif de l’Agence et agissent avec succès pour diminuer le tarif de leurs abonnements.
  • Les règles européennes interdisent les aides publiques directes pour financer les investissements, les jugeant « anticoncurrentielles ».
  • L’Etat se désengage progressivement de l’AFP. Car la « politique de l’offre », menée par les différents gouvernements tant français qu’européens, vise à réduire la dépense de l’Etat et les services publics, à rembourser la dette et à baisser le coût du travail.

Pour boucher les trous : 1.000 nouveaux clients ?

Recette du COM 2014-2018 et du Plan stratégique, pour répondre au désengagement de l’Etat : augmenter le chiffre d’affaires commercial et baisser les coûts (surtout salariaux), pour dégager les marges permettant de rembourser les crédits obtenus via AFP Blue.

Nous avons toujours émis des doutes sur la faisabilité de cette quadrature du cercle. En effet, il se confirme que les prévisions sur l’évolution du chiffre d’affaires étaient irréalistes. A cela s’ajoutent quelques désabonnements importants (on notera au passage qu’ils ne concernent pas forcément les clients les plus désargentés, alors que le PDG ne cesse de marteler son message sur les clients « paupérisés »).

Fait le plus marquant : les dettes financières de l’AFP ont fortement augmenté au cours des dernières années, s’élevant à 71,5 M€ fin 2015.

A côté de 18,7 M€ de découverts bancaires, l’essentiel des dettes (50 M€) vient du fait que l’Etat ne subventionne plus l’investissement de l’Agence  : crédits baux 13,8 M€, prêt Iris 20,4 M€, prêts bancaires pour les investissements via AFP Blue 15,8 M€ .

Certes, 70 M€, ce n’est que le prix de 2 hélicoptères de combat Eurocopter EC665 Tigre (version HAD). Toujours est-t-il que le déficit se creuse et que M. Hoog ne cesse de « découvrir » l’étendue de la « dette sociale  » envers les personnels de l’AFP, l’Urssaf ou le fisc de nombreux pays.

Pour faire face, le PDG sort de son chapeau sa dernière recette miracle : trouver 1.000 clients nouveaux pour l’Agence. Il y en a qui croient au père Noël…

Conclusion : le seul élément du nouveau Meccano financier qui marche, c’est la réduction des coûts de fonctionnement et des frais de personnel !

Ni fatalisme, ni renoncement : agissons !

Force est de constater que les difficultés financières de l’AFP ne relèvent pas de lois naturelles mais de choix politiques et idéologiques convergents, faits à trois niveaux différents : la Commission européenne, le gouvernement français, la direction de l’AFP. Face à ces contraintes, SUD s’oppose au défaitisme et propose une autre voie : celle d’une stratégie syndicale et citoyenne d’action et de transformation sociale. Car il est possible d’agir :

Agir contre le Grand accord de régression sociale, qui est une mise en pratique de la loi El Khomri et des autres mesures du gouvernement français, prises dans le cadre des choix politiques qui sont les siens.

  • A l’AFP comme dans les manifestations pour le retrait de la « loi travail », l’action de SUD-Solidaires est cohérente : résister aux mesures antisociales, participer aux mobilisations unitaires pour une autre répartition des richesses, pour la défense des services publics et de la protection sociale, pour de nouveaux droits.
  • Sur le Grand accord, la direction est en train de susciter le mécontentement des salariés pourtant dévoués, en sabotant leur motivation et en désorganisant leur travail. Le personnel n’est en rien responsable de la situation actuelle. Seule la mobilisation permettra de créer le rapport de force nécessaire pour éviter la casse sociale.

Agir contre les mauvais choix faits par la direction (dans le cadre des contraintes politiques qui nous sont imposées) : outre la transparence sur les salaires des directeurs et sur certains excès de la « gestion Hoog », nous réclamons un bilan financier exhaustif du lancement de filiales, partenariats douteux et produits nouveaux (Newzwag, Relaxnews, TweetFoot, e-diplomacy, Citizenside, Infoplum…) qui ont souvent été abandonnés, généralement après l’engagement d’importants frais.

Agir pour alerter les responsables politiques et les citoyens. Comme dans les luttes souvent victorieuses pour la défense du Statut avant notre défaite collective de 2015, le rapport de force interne ne sera pas suffisant si nous ne portons pas notre lutte sur la place publique. Face aux grands groupes médiatiques qui imposent leur loi du marché, les citoyens du monde entier doivent pouvoir satisfaire leur droit à une information complète et la plus objective possible, indépendante des intérêts politiques ou financiers. Il s’agit là d’un enjeu de société, en France comme ailleurs. L’AFP - que les contribuables français subventionnent de plus de 105 M€ par an - doit avoir son rôle à jouer dans cette bataille citoyenne à mener.

Agir contre les coupes budgétaires. Dans le cadre de sa politique d’austérité, le gouvernement français a fait le choix de limiter les subventions publiques versées à l’AFP. Alors que ces subventions augmentaient de 1,8% par an sur la durée du COM 2009-2013, le COM 2014-2018 ne prévoit plus du tout de hausses à partir de 2018. Ne nous laissons pas berner par la dotation exceptionnelle promise dans le projet de loi de finances 2017 ! En cette année électorale, pas de vagues autour de l’AFP ! Le PDG a mal négocié ce nouveau COM (signé en 2015), qui fixe aussi le cadrage financier trop serré pour le Grand accord. Demandons la révision du COM !

Agir pour que l’Etat compense à 100% le coût du service public rendu par l’AFP. Si les règles européennes interdisent les subventions pour les investissements de l’Agence (dans sa forme juridique actuelle), elles autorisent les aides publiques pour compenser le « surcoût » de ses missions d’intérêt général (MIG, dans le jargon libéral européen, cela revient à la reconnaissance d’un service public). En 2015, l’Etat n’a compensé que 96% du surcoût des MIG. Plus de 4 M€ ont ainsi échappé à l’AFP. Et en 2016, 2017, 2018… ? N’acceptons pas ce désengagement de l’Etat ! Demandons au gouvernement la compensation intégrale des MIG chaque année !

Agir en vue des échéances électorales 2017 (présidentielle, législatives). Les choix de politique économique et sociale, tout comme la renégociation des traités européens, devront figurer parmi les principaux sujets des campagnes électorales en France. Renouvelons l’expérience efficace de SOS-AFP ! Interpellons les candidats et les partis politiques !

SUD invite à une réunion-débat, ouverte à tous,
Mardi 18 octobre à 13h00

(Salle syndicale, 1er étage du siège, en face du CE).

Paris, le 17 octobre 2016
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)