La direction a prolongé les négociations sur le Grand Accord de quelques jours et dit vouloir communiquer la version finale d’ici le 27 février au plus tard. Le texte sera ensuite mis à la signature des organisations syndicales pendant une dizaine de jours. En attendant, les dernières réunions portent sur les ultimes concessions que la direction pourrait encore faire pour inciter à valider un texte auquel, pourtant, personnel et syndicats devraient s’opposer unanimement.
Les grandes lignes du projet d’accord ne changeront plus : dans son dernier questions-réponses [1], la direction résume de façon factuelle les principales mesures, en admettant qu’il s’agit bel et bien d’un plan d’économies qui frappera tout le monde.
Elle reconnait aussi que ce rabotage des droits sociaux des salariés ne réglera en rien les problèmes financiers de l’Agence.
Mais alors, pourquoi accepter encore de nouveaux sacrifices ?
La direction présente le nouvel Accord d’entreprise comme un moindre mal, et la principale mesure - l’introduction du forfait jours annuel pour les cadres et les journalistes - comme un moyen quasi indolore permettant d’échapper à la réduction massive des RTT. Certains y croient, en répétant à l’envi :
« Pour moi, rien ne change avec le forfait jours »
Cette affirmation devient désormais le principal argument de la direction pour « vendre » son projet.
Et s’il s’agissait d’un leurre ? Et si le forfait jours pour les journalistes et les cadres de l’AFP était incompatible avec sa mission d’intérêt général et avec les contraintes horaires et l’organisation du travail qui en découlent ?
Car l’intention du législateur était de proposer le forfait jours à des cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps, et à certains salariés non-cadres disposant d’une réelle autonomie.
On est loin de l’activité quotidienne de l’AFP, à laquelle l’information s’impose, en fonction d’un rythme parfois imprévisible et la plupart du temps contraignant.
En minimisant le risque juridique lié à l’introduction du forfait jours à l’AFP, la direction et les organisations syndicales tentées de s’engager sur cette voie prennent une lourde responsabilité : celle de voir invalidé le Grand accord sur ce point clé, et de voir appliquée la réduction drastique du nombre de jours de repos prévue par ce texte pour tous les salariés qui ne seraient pas au forfait jours.
Les journalistes des desks et les cadres perdraient ainsi 14 RTT par an, les journalistes de production 11 et les employé-e-s et ouvriers 10. Et cette perte ne serait compensée que très partiellement par le congé d’ancienneté (au mieux 5 jours après 15 ans de présence à l’AFP).
Un projet rétrograde et diviseur
Quelle que soit l’issue d’une possible procédure judicaire sur la compatibilité du forfait jours avec le travail à l’AFP, rappelons deux autres objections de fond :
1/ Travailler plus : le principal objectif du forfait jours consiste à légaliser des situations où des salariés effectuent des horaires à rallonge sans que leurs heures supplémentaires ne soient payées. Au lieu d’améliorer les conditions de travail, en réduisant les horaires (et en embauchant), des horaires bien supérieurs aux 35 heures sont érigés comme la norme.
2/ Individualiser, en cassant le collectif : le forfait jours crée une AFP à deux vitesses : les horaires et le nombre de jours de repos ne sont pas les mêmes, selon qu’on est sous forfait jours ou pas. Cela promet une belle pagaille dans les services…
Le grand perdant : l’AFP de demain
On en parle peu, mais la direction le reconnaît : son projet vise surtout à réaliser des économies sur la masse salariale à long terme. Victimes : les salariés embauchés après le 9 novembre 2015 (date de dénonciation des 117 conventions et accords sociaux).
Dans l’immédiat, le « travailler plus » se traduira par moins de CDD (donc encore moins de perspectives d’emploi pour les jeunes) et par une perte de RTT pour les apprentis.
Plus généralement, les conditions de travail, la rémunération et les perspectives d’évolution des futurs salariés de l’AFP seront révisées à la baisse : réduction importante du nombre de jours de repos, horaires augmentés, nouvelles grilles de salaires pour les personnels techniques et administratifs, remise en cause des automatismes des plans de carrière…
Comment croire que des personnels mal payés, ayant le nez dans le guidon, obligés de jongler (voire de choisir) entre travail et vie privée, puissent assurer sereinement leur mission : assurer une information complète, pluraliste et sérieuse des citoyens ?
Oui à un référendum syndical
Une « pétition pour une consultation à bulletins secrets du personnel de l’AFP avant toute signature d’un nouvel accord social » a déjà recueilli 160 signatures [2]. A première vue, cette initiative pourrait sembler étrange. Mais rien à voir avec le référendum patronal rendu possible par la loi El Khomri, qui vise à briser l’opposition de syndicats majoritaires à des reculs sociaux imposés par l’employeur.
SUD soutient cette pétition pour un référendum syndical à l’AFP, car elle relève d’une demande de démocratie et de transparence. Extrait de la pétition :
« Nous ne contestons ni la légitimité des syndicats, ni leur rôle. C’est bien grâce aux luttes syndicales que les salariés ont obtenu tous les droits dont ils bénéficient actuellement. Toutefois, les délégués syndicaux élus lors des dernières élections professionnelles, en 2014, n’ont pas été mandatés pour accepter une dégradation de nos conditions de travail ou de notre rémunération horaire : aucune de leurs professions de foi ne l’annonçait. »
Que les salariés veuillent avoir leur mot à dire, qu’ils réclament l’unité et une Assemblée générale du personnel (toutes catégories), c’est le b.a.-ba de la démocratie sociale. SUD redira à ces occasions pourquoi nous sommes opposés au Grand accord et au « travailler plus pour gagner moins ».
Paris, le 22 février 2017
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)