Accueil > Communiqués SUD-AFP > Droits voisins : De l’accord « historique » à la déception « historique » ?

Droits voisins : De l’accord « historique » à la déception « historique » ?

lundi 11 avril 2022

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Fini l’espoir d’un avenir radieux grâce à l’accord « historique » (dixit la direction) sur les droits voisins signé entre l’AFP et Google… Les négociations avec les syndicats sur la part du gâteau qui devra revenir aux journalistes sont quasiment achevées et le résultat risque d’être très décevant.

Texte imprimable

Rappel des faits : fin 2021, alors que les négociations sur les salaires (NAO) allaient s’achever - sans sérieuse augmentation malgré l’inflation -, la direction a fait miroiter aux syndicats une compensation grâce à la mise en place d’une participation (versée à tous les salariés de droit français, journalistes et personnels techniques et administratifs) et aux droits voisins (réservés aux seuls journalistes).

Concernant la participation, il s’agit d’une obligation légale et l’argent versé aux salariés correspond à une fraction des bénéfices de l’agence réalisés en 2021. Une sorte de prime « one shot » qui sera versée en 2022 et dont le montant devrait atteindre - en moyenne - 400 euros.

Une somme très modeste si on la considère comme une compensation à l’inflation et surtout il y a peu de chance de voir un tel montant se répéter dans les années à venir… En effet, les bons résultats financiers de l’agence en 2021 étaient exceptionnels, de l’aveu même de la direction, car ils résultent des économies liées à la crise sanitaire et de la réduction de la masse salariale via le douloureux « Plan de départs volontaires » (PDV) de 2019-2020.

Restent les droits voisins… Il s’agit de la rémunération que les plateformes internet doivent verser aux médias pour l’utilisation de leurs contenus et dont une partie doit revenir aux journalistes. Beaucoup de médias sont toujours en négociation avec les GAFAM pour percevoir leurs droits voisins et avec leurs journalistes pour déterminer leur part.

À l’AFP, un contrat avec Google a déjà été signé en novembre 2021 et il faut reverser une partie de l’argent aux journalistes. Eux seuls recevront de l’argent car la direction n’a pas voulu aller plus loin que la loi française, même si elle admet volontiers que les personnels techniques et administratifs contribuent eux aussi à la production de l’agence. [1]

La loi française prévoit aussi une répartition équitable entre les médias et les journalistes sur ce nouveau « revenu », sauf que la direction de l’agence a sa propre conception de l’équité. Comme SUD l’avait indiqué, elle propose comme rémunération un « généreux » 7% sur les droits voisins versés par le géant américain.

Pour la direction, l’argent doit avant tout servir à compenser les pertes de l’agence dues à la chute de ses revenus issus des médias traditionnels. Elle estime aussi devoir rester au-dessous du seuil de 10% qui correspond au pourcentage qu’elle avait accordé jadis aux syndicats de l’agence pour les droits d’auteur (accord SCAM de 2012).

De l’autre côté de la table, les syndicats avaient réussi à se mettre d’accord, le 17 février 2022, pour réclamer officiellement 40% des droits voisins versés par Google. Un montant qui ne semble pas farfelu si on considère qu’en Allemagne, la loi impose la réversion aux journalistes d’au moins 33% de ces revenus.

Las ! Trois réunions de négociation plus tard, la direction n’entend pas accorder un taux fixe à deux chiffres.

Et le 8 avril, elle propose aux syndicats d’avaler l’obstacle en accordant aux journalistes un « forfait », c’est-à-dire le versement d’une somme fixe chaque année, quel que soit le nombre de contrats signés avec les GAFAM. 

L’enveloppe dépasserait certes les 7% initiaux avec le seul contrat Google mais elle n’évoluerait pas si l’AFP signait de nouveaux contrats de droits voisins !

Sachant que l’AFP est en négociation avec Facebook, il est facile de comprendre le jeu de dupes car si l’agence signait un accord substantiel avec le groupe Meta dans les mois à venir, la part versée aux journalistes s’élèverait non loin des 7% proposés par la direction.

Et de combien d’argent parle-t-on ? Impossible de vous le dire ! Car l’AFP a signé une clause de confidentialité avec Google et en a imposé une aux organisations syndicales afin de maintenir secret le montant du contrat Google sur les droits voisins.

Enfin, la direction a été claire : si les syndicats refusaient de signer un accord, le dossier serait tranché par une commission arbitrale (prévue par la loi) et la direction s’en tiendrait alors à la stricte application de la loi, ce qui exclurait de facto tous les journalistes de droit local !

Pourtant, et même la direction en convient, l’AFP est un média à part dans le paysage médiatique français : sa mission est de produire des informations dans le monde entier et donc tous ses journalistes contribuent aux informations que Google diffuse et qui servent de calcul aux droits voisins.

Enfin, un accord au rabais à l’AFP ne ferait que le jeu des patrons de presse français en négociation avec leurs journalistes  : l’AFP a toujours été une référence pour les autres médias, et nul doute que le taux de réversion accepté place de la Bourse fera jurisprudence.

SUD ne cèdera pas au chantage et réclame une négociation sérieuse afin d’aboutir à la réversion à tous les journalistes de l’agence d’un montant réellement équitable sur les droits voisins.

Et par-dessus tout, SUD réclame la réouverture immédiate de négociations sur une hausse générale des salaires pour préserver le pouvoir d’achat de tous les salariés.

.

Paris, le 11 avril 2022
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)
contact@sud-afp.org


[1Cf. tract SUD du 3 février 2022 « Droits voisins : Le point sur les négociations »