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Pouvoir d’achat : Merci pour votre sacrifice

mardi 26 juillet 2022

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Informer est notre métier. Et pourtant, en interne, nous sommes très mauvais dans ce domaine. Saviez-vous que l’AFP a récemment augmenté les salaires dans la plupart des pays européens pour rattraper l’inflation ? Nous, non. Nous l’avons découvert par hasard. Une remarque désinvolte dans un courriel informant le personnel de Londres que la direction abandonnait les négociations salariales avec la National Union of Journalists (NUJ) et appliquait unilatéralement une hausse de salaires.

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Après avoir questionné la direction, celle-ci nous a confirmé qu’elle avait effectivement décidé d’une augmentation pour la « quasi-totalité » des bureaux européens, mais a refusé de fournir des chiffres. Nous avons donc cherché à savoir qui avait obtenu quoi. Et nous avons découvert que de nombreux salariés ne savent pas s’ils vont recevoir une augmentation de salaire, ou non.

Certains chefs de bureau n’ont ainsi pas informé leur personnel. On aurait pensé qu’en période de forte inflation, la direction se serait empressée de nous faire savoir qu’elle comptait augmenter (un petit peu) les salaires. Apparemment non.

Mais pourquoi donc ? Peut-être parce que la direction ne souhaite pas que le personnel réalise que certains ont été mieux servis que d’autres. Voici donc ce que nous avons appris auprès des salariés. Certaines informations peuvent être incomplètes car nous ne relayons que ce qui nous a été dit, sans que la direction ne daigne nous donner de chiffres officiels.

Premier constat : nous ne savons toujours pas ce que plusieurs bureaux ont obtenu. C’est l’été, mais il est aussi évident que les managers ne communiquent pas très bien.

Deuxièmement  : Moscou se fait rouler. Il est difficile de croire qu’un bureau soumis à une telle pression soit traité de manière aussi dérisoire. De nombreux journalistes du bureau ont fui à l’étranger en raison de la situation politique mais pas tous, et le personnel administratif et technique assure toujours le fonctionnement du bureau. Certes, leurs salaires sont indexés sur l’euro, mais la direction ne peut pas affirmer que cette indexation les aide, étant donné que les sanctions occidentales face à la guerre en Ukraine et les contre-mesures russes ont entraîné une hausse du rouble. In fine, le personnel local a moins de roubles en poche. Il est clair qu’il est urgent de faire quelque chose pour le personnel de Moscou.

L’inflation est également incroyablement élevée en Turquie. Un accord salarial négocié par le syndicat local est en place, mais nous n’avons pas été en mesure de savoir quand les mesures exceptionnelles prévues pourront entrer en vigueur.

Troisièmement, il existe une grande disparité entre les bureaux en termes de compensation de l’inflation. Nous avons compilé des éléments dans la colonne « Pourcentage de l’inflation compensé » afin de fournir un moyen de comparaison entre les bureaux. Alors que Londres et Paris obtiennent une augmentation équivalente à environ 40% de la hausse des prix, les bureaux plus petits obtiennent moitié moins. Pourquoi ?

La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est la suivante : la mobilisation est payante. Les personnels et les syndicats en France ont poussé la direction à ouvrir des négociations. Même si SUD estime que nous aurions pu obtenir un meilleur accord [1], le fait que nous nous soyons mobilisés nous a manifestement permis d’obtenir un peu plus que ce que la direction a cédé à d’autres.

L’expérience de Londres sert également à montrer que nous aurions pu obtenir un meilleur accord. L’offre unilatérale de 4,0% de la direction a été faite dans le but de court-circuiter les efforts de la NUJ pour mobiliser le personnel et obtenir une reconnaissance officielle. Ils auraient certainement pu obtenir davantage si de véritables négociations avaient eu lieu.

Nous pouvons également noter que certains bureaux ont obtenu des augmentations de salaire en pourcentage, ce que la direction a refusé de faire pour la France, affirmant son opposition idéologique à une augmentation générale des salaires. Foutaises ! Même si dans (au moins) un bureau l’augmentation salariale est modulée par rapport au niveau de salaire. Si nous inscrivons 2,3% dans notre tableau pour la France, c’est parce que c’est la moyenne des mesures accordées par la direction.

Les primes érodent nos grilles salariales. Elles vont à l’encontre de l’intérêt à long terme des salariés qui, une fois qu’ils ont gravi les échelons, constatent que le toit n’est pas aussi haut qu’ils le pensaient et que la pente est très douce en termes d’augmentation de salaire.

Nous devons également tenir compte du fait que personne n’est indemnisé à plus de la moitié de l’inflation. Certains diront que ce que nous obtenons est mieux que rien. C’est vrai, effectivement, si l’on compare à « zéro »... Un point de vue quelque peu défaitiste mais qui s’explique par le fait que la plupart d’entre nous n’ont presque rien obtenu ces dernières années. Mais lorsque nous ferons nos courses ou le plein pour notre voiture, nous nous retrouvons dans la colonne « Pourcentage de l’inflation non compensé ». C’est-à-dire notre baisse de salaire en termes réels.

La direction aime parler des contraintes financières de l’Agence. Mais a-t-on vu le PDG ne serait-ce qu’évoquer le fait que les missions d’intérêt général (MIG) que l’État a confiées à l’AFP sont presque annuellement sous-compensées par rapport à leur valeur réelle ? L’a-t-on entendu demander au gouvernement que le prix des abonnements de l’État, gelé à 20,54 millions d’euros depuis 2015, soit réévalué en fonction de l’inflation ? A-t-il demandé que la subvention aux MIG, fixée à 113,3 M€/an pour la période 2019-2023, soit elle aussi réévaluée, pour que le coût de l’inflation ne soit pas supporté par l’AFP ? Évidemment non !

Par contre, face aux demandes syndicales, nous avons entendu un membre de la direction justifier la faiblesse des hausses salariales par les nouveaux compléments de revenu que seront les primes versées aux (seuls) journalistes au titre des droits voisins.

Au lieu de compenser l’inflation qui grève le pouvoir d’achat des salariés, la direction se satisfait de la baisse des subventions publiques et de la toujours plus grande emprise des GAFAM sur les activités et les finances de l’Agence.

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Pour le reste, elle fait appel à notre conscience professionnelle, en demandant aux salariés de faire toujours et encore des efforts pour que l’AFP puisse continuer à remplir ses missions d’intérêt général. Merci pour votre sacrifice !

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Paris, le 26 juillet 2022
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)
contact@sud-afp.org


[1voir notre précédent tract