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Salaires et inflation : les enjeux de la NAO (questions-réponses)

mercredi 1er mars 2023

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Salariés de l’AFP, une consultation est actuellement en cours sur votre volonté de faire grève pour obtenir une revalorisation de vos salaires afin de compenser l’inflation. Quelle perte a provoqué l’inflation sur votre pouvoir d’achat ? Quelle compensation a permis la dernière augmentation des salaires ? Voici quelques réponses pour cerner les enjeux.

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5% ? 6% ? Quel est précisément le taux d’inflation ?

Il est impossible de répondre à cette question de manière absolue et définitive, car l’indice des prix à la consommation mesure l’évolution des prix entre deux périodes données. Communément, on le calcule chaque mois, en comparaison avec le même mois de l’année précédente : novembre 2022 par rapport à novembre 2021 (+6,2% d’inflation), décembre 2022 vs décembre 2021 (+5,9%), janvier 2023 vs janvier 2022 (+6,1%) février 2023 vs février 2022 (+6.2%).

Qu’est-ce que la direction a compensé ?

Avec la succession de négociations, la rétroactivité de certaines mesures, le flou de certaines formules, et le fait que les chiffres de l’inflation évoluent chaque mois, il est facile de s’y perdre.
Pour apporter un début de réponse, voici quelques éléments :

  • Entre mars 2021 et mars 2022, date de mise en application rétroactive des 70 euros de hausse des salaires négociés à l’été dernier, les prix ont progressé de presque 4,6%.
  • Ces 70 euros brut correspondent, selon la direction, à une augmentation de 2,3% en moyenne (beaucoup moins pour de nombreux salariés, un peu plus pour d’autres).
  • Si on ajoute les 20 euros négociés fin 2021 et versés à partir de janvier 2022, on obtient environ 3% de hausse, là aussi en moyenne.

Les 70 euros versés rétroactivement à compter de mars 2022, offre de la direction acceptée par une majorité de syndicats, et les 20 euros négociés précédemment ont donc compensé les deux tiers de l’inflation observée au cours des douze mois précédents.

Et depuis ?

Depuis, rien. Du point de vue salarial du moins. Car côté hausse des prix, nous avons été servis. Entre mars 2022 et février 2023, les prix ont grimpé d’environ 4,7% (tabac inclus). C’est donc une perte nette de cet ordre de grandeur pour le salarié. Et cela va continuer puisque le pic d’inflation est attendu dans les mois qui viennent.
Cette perte actuelle de 4,7% s’ajoute, en outre, à la part de l’inflation non compensée entre 2021 et 2022.

Si vous voulez faire des comparatifs plus lointains, vous pouvez consulter le site de l’Insee (https://tinyurl.com/atcxu8vj )
Il suffit ensuite de faire : date d’arrivée/date de départ = ? -1 = ? X 100 = inflation entre les deux dates.

Combien ai-je perdu en pouvoir d’achat ?

Ça dépend de votre salaire. Pour calculer la perte liée à l’inflation sur ces deux dernières années, entre janvier 2021 et janvier 2023, vous pouvez calculer ainsi :

Votre salaire de janvier X 0,09 - 90 = la perte de votre pouvoir d’achat sur un mois. Multipliez par 12 et vous avez une estimation de votre perte annuelle, avec l’inflation d’aujourd’hui. Mais celle-ci va donc continuer de s’accroître.

Même en prenant en compte les droits voisins, qui ne sont pas du salaire, ou la participation, qui ne vaut que pour 2021, la perte de pouvoir d’achat reste très importante.

J’ai touché des primes ou gagné des échelons, ça compense, non ?

C’est l’argument qu’a osé sortir la direction, mais, désolé, non, ça ne compense pas.
Si votre salaire a augmenté, c’est parce que vous avez pris des responsabilités (indemnités de fonction), gagné en ancienneté ou en compétences (échelons et primes d’ancienneté) ou parce que vous avez été “particulièrement méritant” (primes individuelles).
Vous avez tout à fait le droit de vous satisfaire de ces hausses, mais elles sont injustes pour les nouveaux entrants et pour vous-mêmes. Car si l’évolution de carrière ne sert plus qu’à compenser l’inflation, alors les salariés seront de plus en plus pauvres au fil du temps.
En 2012, le salaire d’entrée d’un journaliste équivalait à 1,91 Smic. Aujourd’hui, il équivaut à 1,59 Smic.
Pour les cadres administratifs, nous sommes passés de 1,95 Smic à 1,6.
Pour les cadres techniques, de 2,94 Smic à 1,68.
Pour les employés de presse, de 1,34 Smic à 1,01.
Pour les ouvriers, de 1,30 Smic à 1,03.

On va continuer à s’appauvrir combien de temps encore ?

Si l’inflation retombe, est-ce que la perte de pouvoir d’achat disparaît ?

Non. C’est le piège du message de la direction qui se dit prête à revenir vers nous si l’inflation reste élevée. Car même si l’inflation ralentit, ce que la plupart des prévisions affirment, les prix ne baisseront pas (voir le graphique ci-dessous).

Même si l’inflation tombait à 0% en janvier 2024, ce qui est perdu sera perdu. Sans augmentation et avec une inflation nulle à partir de 2024, la perte de pouvoir d’achat subie en 2021 et 2022 ne disparaîtra pas.

C’est d’ailleurs ce que vivent les salariés de l’AFP depuis une décennie : une diminution progressive de leur niveau de vie, la seule différence était que cela se voyait moins auparavant, car le grignotage était plus lent.
Lorsqu’il y a sous-compensation à un instant T, le minimum serait que plus tard, l’AFP surcompense pour rattraper et qu’il n’y ait pas un appauvrissement régulier des salariés au fil du temps.

L’AFP a-t-elle les moyens de compenser ?

Sans soutien de l’État, probablement pas. Mais l’État est le grand gagnant de la période actuelle avec ces dernières années une aide gelée à 113,3 millions d’euros par an pour la Mission d’intérêt général, et des abonnements gelés également, à 20,5 millions.
Si le financement de la MIG et les abonnements de l’État avaient été indexés sur l’inflation, ce sont près de 33 millions d’euros supplémentaires que l’AFP aurait eus dans ses caisses entre 2018 et aujourd’hui. Une somme bien suffisante pour des hausses de salaires conséquentes et de nombreuses embauches.

L’État a en plus profité de l’inflation, non seulement à travers la TVA, mais aussi avec l’impôt sur le revenu et celui sur les sociétés. Par rapport au premier budget établi pour 2022, les recettes de l’État seront supérieures de plusieurs dizaines de milliards d’euros à ce qui était initialement prévu.
Certes des mesures, plus ou moins bonnes, c’est à l’appréciation de chacun, ont été mises en place pour soutenir la population. Mais pour l’AFP, rien ! Alors que la somme nécessaire est dérisoire par rapport aux dizaines de milliards déversés à cause du Covid-19.
Il faut aussi noter que des hausses de salaires engendrent des hausses de cotisations, notamment pour les retraites, et de recettes pour l’État, via la fiscalité : personne n’est perdant !

Paris, le 1er mars 2023
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)
contact@sud-afp.org