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Rémunération des journalistes : une longue négociation, un grand flop !

mardi 18 avril 2023

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La négociation sur la rémunération des journalistes, qui avait débuté le 6 avril 2022, s’est achevée le 24 mars 2023 sur un constat de désaccord entre syndicats et direction de l’AFP, et la fin des discussions. Retour sur un grand flop qui en dit long sur l’état du dialogue social à l’AFP et le manque de perspectives pour les journalistes de l’agence sur leur rémunération.

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Mais pourquoi une négociation pour les seuls journalistes ? Il faut d’abord rappeler que lors des dernières négociations annuelles obligatoires (NAO), la direction a souvent refusé d’examiner certaines demandes des syndicats concernant spécifiquement les journalistes ou certains métiers, promettant une négociation particulière. Elle a ainsi gagné quelques années en repoussant toujours à plus tard les discussions sur une éventuelle revalorisation de certaines primes ou l’amélioration des plans de carrière.

Autant dire que les attentes étaient grandes chez les organisations syndicales et que la déception est aujourd’hui à leur hauteur ! Mais les choses ont mal tourné rapidement car la direction n’a pas tardé à évoquer son idée de raboter les primes photo et vidéo qu’elle jugeait « trop élevées » et néfastes pour la mobilité entre métiers. En contrepartie, elle proposait de relever les primes de fonction de certains encadrants (chefs de desk et leurs adjoints). Une sorte de donnant-donnant malsain que SUD a tout de suite dénoncé (Tract du 30 juin 2022 Le nouveau plan image de l’AFP : réduire les primes photo et vidéo !).

Objectif de la direction : s’attaquer aux primes photo et vidéo

Mais il a fallu attendre décembre 2023 (9 mois !) pour découvrir son projet funeste : la suppression pure et simple de la prime vidéo pour les futurs éditeurs vidéo (161 euros) ainsi que l’amputation des primes vidéo des JRI (322 euros) et des primes photo des reporters (467 euros) qui seraient passées à 150 euros. Une proposition évidemment inacceptable pour les principaux concernés, même si la direction promettait à ceux qui percevaient déjà ces primes de les conserver en créant un « groupe fermé », tandis que seuls les nouveaux entrants à l’AFP subiraient la perte. En somme, de privilégier les « anciens » au détriment des « jeunes ». Et tout ça, soi-disant, pour favoriser leur mobilité !

Fort heureusement, et grâce à une information détaillée transmise par SUD, les personnels de la vidéo et de la photo ont su faire preuve de solidarité et de courage pour dénoncer, au travers d’une « Lettre ouverte des salariés de l’image », ce projet méprisant les spécificités et contraintes de leurs métiers, et pour refuser toute baisse de leur rémunération, y compris pour leurs futurs collègues.

Cette mobilisation très importante des personnels de statut siège (68 signataires !) a poussé la direction à améliorer sa copie : les futurs éditeurs vidéo se voyaient accorder une prime de 120 euros, et les futurs JRI et reporters photo un montant de 240 euros.

Autre proposition pour pousser les syndicats à signer : un système de « pérennisation » partielle de ces primes en cas de mobilité hors du périmètre photo et vidéo, sur le même modèle que les primes de fonction des encadrants (30% au bout de 3 ans et 50% après 4 ans et demi). Une pérennisation que SUD préconisait depuis longtemps mais de façon intégrale, au motif qu’il s’agit d’une compétence acquise et non d’une fonction !

Suite à une consultation organisée en février, cette proposition améliorée a été malgré tout refusée par une large majorité des signataires de la lettre ouverte. Un choix de solidarité envers les nouveaux entrants que SUD ne pouvait qu’approuver étant donné son opposition de principe à la création de “groupes fermés”, source de divisions entre salariés.

Face au refus des salariés et des syndicats (dont SUD), la direction, déconfite, a mis fin aux négociations. Et étrangement, alors qu’elle avait posé comme condition la baisse des primes photo et vidéo pour accepter la revalorisation des indemnités de certains encadrants, la direction a annoncé qu’elle envisageait quand même de mettre en place ces améliorations de façon unilatérale !

Un échec pour la direction, pas d’avancées pour les journalistes

Au-delà de ces péripéties de négociation, il ne faut pas oublier l’essentiel : la direction a balayé dès le début toutes les demandes portées par SUD et d’autres syndicats pour améliorer le plan de carrière automatique des journalistes qui s’arrête à la catégorie RED5 (après 20 ans d’ancienneté).

Aujourd’hui, de nombreux journalistes ont atteint cette catégorie et n’ont plus aucune perspective d’évolution, sauf à espérer faire partie des quelques heureux élus qui passent chaque année en RED5+ et RED6, au bon vouloir de la direction. SUD proposait aussi le déplafonnement de la prime d’ancienneté au-delà de 20 ans. En vain. La direction reste allergique à toute augmentation de la masse salariale, et tout particulièrement aux progressions automatiques, tout comme elle a été intransigeante en 2022 et 2023 sur les revalorisations salariales pour cause d’inflation galopante.

Au fond, la direction ne répond qu’à une seule logique : freiner à tout prix la hausse de la masse salariale pour éviter d’avoir à demander de l’argent à l’Etat, laisser se dégrader les grilles salariales tout en favorisant les avancements de quelques-uns à coups de primes et promotions, et au final promouvoir l’individualisme et le carriérisme… Car des salariés en attente de gratification sont beaucoup plus dociles et corvéables.

En juin 2023, des négociations sur la rémunération des personnels techniques et administratifs vont s’ouvrir. Obtiendront-ils des avancées que les journalistes n’ont pas réussi à avoir ? On peut en douter fortement. La direction ne proposera sûrement que des miettes. Ou bien peut-être des « groupes fermés » ? L’avenir nous le dira.

Une chose est certaine : si le personnel de l’AFP veut échapper au lent et inéluctable déclin de ses conditions salariales, il doit faire preuve de solidarité et se mobiliser, à l’image des salariés de la vidéo et de la photo qui ont su s’organiser pour défendre leurs métiers et leur dignité.

Paris, le 18 avril 2023
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)