L’intersyndicale toutes catégories s’oppose à la fermeture du bureau régional de la région MENA à Nicosie, et soutient la grève votée par nos collègues locaux vendredi 18 octobre de 08H00 à 11H00 GMT.
Eclater le bureau entre Paris, Dubaï et Beyrouth comme le prévoit la direction, alors que les équipes travaillent sous pression depuis un an, est un contresens total. Plus de 70 salariés sont aujourd’hui concernés, dont beaucoup ont construit leur vie à Chypre.
Contresens sécuritaire d’abord. Depuis 1987, le bureau situé sur l’île de Chypre, pays membre de l’Union Européenne depuis 2004, est un havre de stabilité pour les équipes qui couvrent 22 pays, dont de nombreux sont régulièrement touchés par de violents conflits. Avec la guerre au Liban, la région plonge dans l’incertitude : qui peut nous garantir que le bureau de l’AFP, en plein cœur de Beyrouth, ne sera pas visé par une frappe israélienne comme celui de Gaza ? Plus aucun quartier de la capitale libanaise n’est aujourd’hui épargné par les bombardements ; une frappe a ainsi visé le 10 octobre dernier celui de Ras el-Nabeh, au centre de Beyrouth, à quelques centaines de mètres de l’ambassade de France.
A Dubaï, la liberté d’expression est inexistante : nos équipes s’exposent aux risques de descente de police dans nos locaux en cas de dépêche qui déplairait, d’arrestations arbitraires ou même de voir des journalistes expulsés du pays. Quelle liberté aurons-nous à pouvoir éditer des dépêches, photos et vidéos sur les droits humains, les travailleurs domestiques asiatiques dans les pays arabes, ou sur de l’actualité de pays en froid avec les Emirats ?
Contresens éditorial : éclater les desks texte, photos et vidéos dans plusieurs bureaux va faire baisser drastiquement la rapidité de diffusion de l’information et la qualité éditoriale. Les équipes qui travaillent dans un open space à Nicosie se parlent sans cesse, coordonnent les couvertures ensemble, se transmettent les informations et discutent en permanence de vive voix du choix des mots et des images, tant les sujets couverts au Moyen-Orient sont sensibles. Certains travaillent à Nicosie depuis longtemps : leur expertise sur le Moyen-Orient est un atout indispensable à l’agence.
Contresens social et humain : de nombreux salariés se sont installés à Chypre depuis longtemps, leurs enfants y sont scolarisés, leur conjoint-e y travaille, ils y ont parfois acheté un bien immobilier à crédit. Certains ont fait venir leurs parents âgés pour les mettre en sécurité, quand d’autres sont en processus de naturalisation. Que vont-ils devenir ? Le coût de la vie est bien plus élevé à Paris et à Dubaï, l’AFP va-t-elle augmenter leur salaire ? Payer leur logement à Dubaï ?
Les contrats régionaux dépendent de Chypre. D’où vont-ils être signés si Nicosie ferme ? Les contrats à Dubaï seront des CDD renouvelables, comme le prévoit la loi émiratie, l’agence pourrait donc disposer des salariés comme elle le souhaite. Et en cas de rupture ou de non-renouvellement du contrat de travail, le visa du salarié serait annulé, l’obligeant à quitter le pays.
Les salariés de Nicosie ne sont pas des pions ! La direction n’a jusqu’à présent fourni aucune étude de faisabilité de ce projet. Nous refusons la fermeture arbitraire du bureau MENA qui sera préjudiciable à la qualité éditoriale et à l’image de l’AFP auprès de nos clients.
Les syndicats du siège demandent à être consultés sur toutes les conséquences du projet de la direction, y compris sociales, ne serait-ce que parce que la décision de fermer Nicosie aura un impact social qui n’est pas limité aux salariés de droit local.
Paris, le 17 octobre 2024 - L’intersyndicale CGT-SNJ-SUD-FO et CFE-CGC