Saluée à juste titre par la direction, la bonne couverture des Jeux olympiques de Paris cet été par les équipes de l’AFP masque une somme considérable de ratés logistiques et de zones d’ombre, entretenues par la direction lors des réponses RIC sur le sujet. SUD fait le point et s’inquiète pour la suite - faute de remise en question - au regard des défis logistiques colossaux que l’agence va rencontrer en 2026 lors de la prochaine Coupe du monde de foot (organisée dans trois pays) et des Jeux d’hiver (prévus sur une dizaine de sites italiens).
Dès le début des JO-2024, SUD avait alerté sur le confort sommaire de la résidence choisie à La Défense pour les salariés n’habitant pas en Ile-de-France, et surtout sur la chaleur qui régnait dans les chambres. Avec des températures ne descendant jamais en dessous de 28 degrés, même la nuit, nous estimions que les équipes ne pouvaient pas se reposer convenablement après des journées de travail harassantes, voire que leur santé était en danger. Mais en guise de réponse, SUD n’avait reçu que le mépris de l’ancienne DG qui « dort très bien chez elle par 28 degrés ». Grand bien lui fasse !
La direction a aussi prétendu que toutes les chambres avaient été équipées de ventilateurs (à monter soi-même). C’est faux, et ça ne règle de toute façon pas le problème : ventiler de l’air chaud ne change pas la température. Médaille de bronze pour l’épreuve météo.
Le raté du logement
Mal conçu, entièrement vitré et situé au cœur d’un carrefour bruyant et bétonné, quand et comment a été choisi cet immeuble ? « Plus de trois ans avant l’événement », répond la direction, alors que les équipes ont dû attendre le mois de mai 2024 pour connaître les lieux, après des demandes répétées auxquelles le responsable des grands évènements répondait « on y travaille ». Qui dit vrai ? Et si ce choix a bien été fait trois ans avant, pour des Jeux à la maison, dans la ville du siège de l’AFP, il n’y a pas de quoi s’en vanter.
La direction loue sa grandeur d’âme en indiquant que les chambres étaient individuelles, ce qui est vrai, « comme toujours sauf à Pékin en 2022 », ce qui est faux. Certains salariés ne disposaient pas de chambre individuelle en 2006 aux Jeux de Turin, en 2010 aux Jeux de Vancouver, en 2014 à la Coupe du monde de foot au Brésil et en 2016 aux Jeux de Rio. Rappel utile pour la suite : un salon n’est pas une chambre, et ces compétitions ne sont pas des colonies de vacances pour journalistes.
« Nombreux ont été les journalistes, techniciens à apprécier l’hébergement », lit-on en recrachant son café en RIC. SUD propose d’envoyer un sondage anonyme à tous les participants. Chiche ?
Désorganisation olympique
La santé et le confort n’étaient visiblement pas un souci pour la direction ni pour celle des grands évènements. Le bureau de l’AFP au centre des médias (MPC) Porte Maillot n’était équipé que de chaises petites et rigides. Malgré des plaintes rapides de personnes souffrant de problèmes de santé au niveau du dos, il a fallu attendre plusieurs jours et l’intervention de la médecine du travail pour obtenir les mêmes chaises qu’au siège. Le tout dans une salle qui n’offrait que trois télévisions pour suivre des dizaines d’épreuves simultanées. Malgré ses demandes, la rédaction en chef sports a ainsi été contrainte de suivre les compétitions sur un téléphone portable, ou un écran au détriment du reste de son travail (Iris, Teams, site web olympique…). Médaille d’argent du manque d’anticipation et de considération.
Autre couac : l’interdiction faite aux journalistes reporters d’images de prendre le taxi pour se rendre sur des sites olympiques ou bien pour rentrer à la fin des épreuves. La direction des grands événements avait décrété avant les JO que ce mode de transport serait “la plus mauvaise des solutions”... Sauf qu’elle n’avait prévu qu’un seul mini-van en guise de voiture-balai et seulement quelques voitures et motos équipées du macaron officiel autorisant à circuler sur les voies réservées aux JO… Sans doute une petite économie pour la direction mais un grand fardeau supplémentaire pour les JRI alors même qu’ils ont l’autorisation dans l’année de prendre le taxi à Paris pour aller en reportage en raison du poids du matériel (caméras, pieds, transmission). Après une alerte SUD et une mobilisation des JRI en plein JO, la direction a fini par revenir à la raison… Mais que d’énergie perdue et de manque de considération pour les salariés !
Des amis retraités accrédités…
On pense alors toucher le fond, mais la médaille d’or de l’embrouille revient aux précieuses accréditations. SUD a enfin obtenu la liste des accrédités AFP pour les JO… après trois demandes et six mois après les épreuves ! Pourquoi ce nouveau manque de transparence ?
Deux retraités de l’agence ont été aperçus en tribune de presse, avec une accréditation AFP, pour profiter de l’événement. Ce que la liste confirme. L’un aurait « apporté son expertise en matière de data Olympic à la réalisation des 12.000 headshots des athlètes », aidant à la réalisation d’un contrat de Factstory. Qu’est-ce que ce contrat ? Pourquoi ce monsieur n’était-il pas accrédité au nom de Factstory ? A-t-il vraiment travaillé pendant les Jeux, sur les sites olympiques ?
L’autre était chef de presse pour Paris-2024 à Saint-Etienne et aurait « rendu de nombreux services » à l’AFP pendant les Jeux. Pour rappel Saint-Etienne a accueilli trois matchs de foot pendant les JO, une goutte d’eau dans cet évènement. Quel service ce monsieur a-t-il pu apporter ? En quoi cela donne le droit à une accréditation ? Sommes-nous une agence de troc ? Et puisqu’il travaillait pour Paris-2024, ne pouvait-il pas se tourner vers les organisateurs pour venir profiter des stades parisiens ? En tant qu’ancien responsable des grands évènements, il a su profiter des bonnes grâces de son successeur.
… mais pas le desk sports
Le problème, c’est que l’AFP avait un nombre limité d’accréditations. La direction a donc fait le choix de couper dans les effectifs du service des sports ! En effet, la majorité des membres du desk sports, globalement les salariés les plus jeunes, est restée scotchée place de la Bourse, loin de la rédaction en chef sports, en place elle Porte Maillot avec toutes les autres équipes (technique, coordination photo et vidéo, édition photo, desk anglo, hispano, arabo). Une hérésie organisationnelle pour un événement de cette taille qui entraîne des dizaines d’alertes quotidiennes et un volume de copie démentiel, en plus d’un manque de respect terrible pour ceux qui ont travaillé corps et âme à améliorer et valider une copie gargantuesque.
En plus des heureux retraités, on peut repérer dans la liste des accrédités plusieurs membres de la direction, du Comex, et des chefs de service parisiens. A quelles fins ? S’il est entendable que le PDG de l’AFP ait une fonction de représentation dans ce genre d’évènement, ne pouvait-il pas être mieux placé qu’en tribune de presse ? Pourquoi l’ancienne directrice générale a été accréditée, en plus en tant que « photographe » ?
On comprend désormais qu’ils estiment que tout s’est bien passé, en tout cas pour eux. Les Jeux de Paris 2024 ont une nouvelle fois illustré le dysfonctionnement de notre cellule grands évènements, qui s’occupe plus des privilèges des grands chefs que de la décence des conditions de travail des petites mains, dont chaque demande ou plainte est évacuée sans jamais de réponse concrète. SUD demande de la transparence, une remise en question de la façon d’organiser la couverture des grands évènements et la fin des privilèges qui font honte à l’agence et l’empêchent d’atteindre son plein potentiel. Le personnel et nos clients méritent mieux que ça.
Paris, le 30 janvier 2025
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)