Dans l’attente de l’audit sur la gestion des ressources humaines, SUD poursuit inlassablement l’accompagnement des salariés en difficulté. Nous avons constaté, en les écoutant, un schéma de négligence sélective et systémique de leur vécu qui contraste avec la volonté affichée de la direction de veiller au bien-être de toutes et tous.
Au fil des différentes réunions des instances de représentation du personnel ces derniers mois, nous avons entendu beaucoup d’étonnement de la part de la direction. Comment un cas de souffrance au travail a-t-il pu dégénérer au point de provoquer un DGI (danger grave et imminent), une enquête externe et l’intervention de l’inspection du travail ? Pourquoi les cas « ne nous remontent-ils pas », selon les mots de la DRH, pourquoi arrivons-nous lorsqu’il est déjà trop tard et que la santé du salarié s’est dégradée et les conflits devenus inextricables ? La direction est allée jusqu’à demander à l’inspection du travail et aux syndicats de proposer des idées alors que c’est à elle, en tant que professionnelle de gestion, de trouver une voie vers l’amélioration, quand bien même les représentants du personnel sont là pour mettre ces pistes à l’épreuve de leurs vérifications et de leurs interrogations.
« Nous avons lancé un audit », se débarrassent certains hauts responsables. Pourtant, on peut d’ores et déjà constater le problème d’audition de la direction sur des constats transmis à sa connaissance et bloqués au point mort. Si les procédures pour prévenir le harcèlement et la souffrance au travail se révèlent insuffisantes, il convient d’examiner de près le parcours d’un salarié lambda pour être entendu. L’expérience montre qu’entre salariés de même statut hiérarchique, les conflits, plus rares, peuvent être traités sans délai et avec beaucoup de rigueur. Mais les procédures trouvent vite leur limite quand un salarié met en cause son manager.
Au lieu d’une écoute… la confrontation
SUD a alors constaté que l’écoute et l’action de la direction se font plus attendre. D’abord, il y a des erreurs considérables comme impliquer le manager dans l’analyse de la situation alors qu’il est lui-même mis en cause, donnant par-là l’avantage à une version de l’histoire au lieu de mettre chaque version sur un pied d’égalité et de considérer le rapport hiérarchique comme un facteur aggravant de la situation. Au lieu d’une écoute sécurisante pour l’employé en difficulté, la confrontation est systématiquement privilégiée, donnant lieu à la minimisation et l’intimidation. Ce qu’on entend lors de ces confrontations, ce n’est jamais le constat d’une erreur de management, mais toujours un manque de compétences ou pire, de « savoir-être » de la part du salarié qui ne réclame souvent qu’une amélioration de ses conditions de travail. À en croire les rapports d’enquête, un salarié qui remet en cause sa hiérarchie est systématiquement décrit comme défaillant et son travail rabaissé. Pas étonnant que nombre de salariés en ressortent avec un sentiment d’humiliation.
La direction soutient aussi que la situation globale à l’Agence n’est pas si grave puisque les salariés concernés ne démissionnent pas. Mais comme le rapport de la médecin du travail le démontre, les personnels de l’AFP sont attachés à l’entreprise et résolus à l’améliorer plutôt que de l’abandonner. Ils persistent donc pour trouver une écoute, en apportant des éléments clairs et même des idées constructives pour résoudre le conflit. C’est là que le problème s’élargit : non seulement la Direction des ressources humaines peine à remettre en cause le management, mais à cette partialité s’ajoute une écoute jamais suivie d’action, des promesses non tenues et des délais d’attente pour un rendez-vous ou même un simple accusé de réception.
Confrontée à des conflits qui dégénèrent, la direction en vient à interpeller en CSSCT (Commission santé, sécurité et conditions de travail) des prestataires externes pour leur demander des solutions. Et dans le même temps, la même direction collectionne les excuses. « C’est du passé », « la victime présumée a mis trop de temps à informer les bons interlocuteurs », « c’est parole contre parole », avec le classique et désespérant : « Nous manquons d’éléments constitutifs d’un harcèlement moral. » Et donc ? Rien. L’enquête s’arrête ici. Est-ce qu’un médecin, en voyant une plaie infectée, attend, sans rien faire de plus, une amélioration miraculeuse ? L’expérience a montré que la direction laisse la situation se nécroser pour finir par suggérer l’amputation.
Le parcours du combattant pour les salariés en souffrance ?
Force est de constater qu’un conflit ouvert avec un manager crée également un isolement social. Les collègues directs se retrouvent en position délicate, avec le risque de se mettre en porte-à-faux avec leur encadrement. Une situation délétère pour le travail et l’esprit d’équipe. C’est pourquoi il y a urgence : les collègues d’un salarié en conflit avec son manager ne devraient pas avoir à choisir un côté ou l’autre pour préserver leurs propres conditions de travail, ni subir une ambiance tendue dans leur espace de travail. De la même façon que l’attente d’un miracle n’est en aucun cas une solution, le fait d’écarter un salarié de son équipe ne fait qu’aggraver sa souffrance.
Pourtant, dans un cas récent de harcèlement sexiste et sexuel présumé, la direction a démontré qu’elle était capable de réactivité, d’initiative et de sérieux face à des faits graves. On ne peut que se féliciter d’une évolution sociale où les violences sexistes et sexuelles sont devenues intolérables. Mais qu’en est-il de la violence sociale ? Qu’en est-il des violences psychologiques ? Lorsqu’un salarié doit tenir bon malgré le dénigrement de ses compétences, voire de sa personne, qu’il doit trouver le courage nécessaire pour contacter des inconnus afin de témoigner, et la force d’insister pour obtenir une réponse. Est-ce là le parcours du combattant que l’AFP propose aux salariés en souffrance ?
SUD refuse catégoriquement de laisser les salariés parcourir ce chemin seuls et appelle chacun à s’exprimer et chercher un soutien. À trop vouloir gérer la menace économique dans un vent de panique que la direction appelle froidement « polarisation », certains oublient que derrière la ressource il y a l’humain. Pour autant, ce sont les salariés qui font vivre l’Agence. Négliger les crises actuelles pour mener d’autres projets, c’est ça qui nous coûte le plus cher !
Paris, le 02 juin 2025
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)