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À l’AFP, les erreurs de management coûtent cher sans laisser de traces !

lundi 4 août 2025

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Le 16 juillet 2025, la direction de l’AFP a communiqué sur les résultats d’une enquête interne au sujet d’un « harcèlement moral » selon ses termes. SUD a fait le choix d’une réponse rapide et factuelle à cette publication qui mélangeait, à dessein ou non, enquête préventive et enquête judiciaire, donnant ainsi l’impression d’un blanchiment univoque sur cette affaire. La restitution de cette enquête menée par un cabinet de prévention des risques psychosociaux a eu lieu devant la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) le 17 mars 2025. Les organisations syndicales ont accepté que le PV de cette commission ne soit pas publié pour préserver l’anonymat des parties prenantes. En revanche, SUD a réclamé que les conclusions de cette enquête et nos commentaires soient rendus publics : les salariés ont le droit de connaître le résultat d’un processus qui a amené l’AFP dans les médias et devant la justice sur le sujet du harcèlement.

Voici d’abord un résumé des faits. Peu de temps après avoir pris ses fonctions en octobre 2023 sur un poste de la rédaction parisienne, une salariée a fait état de difficultés avec son encadrement, qui se sont aggravées avec le temps et qui ont provoqué des mois de souffrance au travail. Malgré plusieurs consultations de la médecine du travail et l’intervention de la direction, cette salariée a décidé de déclencher, en juin 2024, le dispositif alerte harcèlement de l’AFP. Trois mois plus tard, une alerte DGI (danger grave et imminent) a été déclarée par le secrétaire du CSE après un accident du travail de cette salariée survenu en présence de l’inspection du travail. Une alerte DGI oblige l’employeur à lancer une enquête pour établir les causes de cette situation et y remédier sans délai, puisque l’employeur a une obligation de résultat sur la santé et la sécurité de ses employés. Lors du CSE du 18 octobre 2024, SUD a réclamé que cette enquête préventive soit menée par un intervenant extérieur afin d’éviter tout conflit d’intérêt dans la mesure où la direction était nommément mise en cause par la plaignante. L’inspection du travail a confirmé qu’une enquête réalisée par les personnes impliquées ne pouvait être convenablement menée.
La direction a alors lancé un appel d’offres et choisi un prestataire externe. Le premier problème est que le choix du cabinet n’a pas été examiné en CSE ni approuvé par les partenaires sociaux. SUD a constaté lors de la CSSCT extraordinaire du 13 novembre 2024, qui avait pour but de lancer cette enquête, que le choix du cabinet n’avait pas été explicité ni débattu. Le cabinet désigné, présent lors de cette séance, a donc présenté son travail, sa charte et son projet d’enquête. SUD a suivi le déroulé de cette enquête auprès de la victime présumée, au sein du comité dit « de pilotage » de l’enquête et en lien avec l’inspection du travail. Nous avons respecté son déroulement et souhaitons désormais communiquer aux salariés nos observations sur l’enquête telle qu’elle nous a été restituée lors de la CSSCT du 17 mars 2025. [1] Il est à souligner que le rapport d’enquête lui-même demeure confidentiel et n’a été transmis qu’à la direction et au lanceur de l’alerte DGI.

Au lieu d’une gestion claire, le chaos

SUD regrette l’absence d’amélioration de la situation malgré l’investissement financier et humain important de l’Agence pour remédier à un conflit opposant une salariée à sa hiérarchie. Cette enquête n’a pas apporté ce qu’elle a promis : nous avons fini, de toute évidence, dans une confusion encore plus grande que celle que nous avons tenté de résoudre. Le cabinet, choisi de façon unilatérale par la direction, n’avait pas la qualification d’expertise sur les risques psychosociaux.
Ce cabinet, d’après l’inspection du travail, n’a pas su délimiter le sujet de l’enquête. Il a annoncé en réunion préparatoire n’avoir aucune qualification juridique qui lui permettrait d’affirmer si oui ou non la salariée a été victime de harcèlement. Pourtant, c’est bien le thème du harcèlement que la direction a finalement retenu dans sa communication du 16 juillet 2025, tandis que d’autres ont mis en avant le travail sur les « 16 griefs » listés par la plaignante. Le cabinet a consacré plus de temps à rechercher des éléments qui appuieraient les accusations portées, tout en soulignant leur caractère diffamatoire à de nombreuses reprises, qu’à trouver les facteurs explicatifs de l’accident grave du travail de la salariée.

Une souffrance reconnue du bout des lèvres

Nous avons observé des contradictions. Le cabinet a confirmé que le danger grave et imminent était fondé et la souffrance de la salariée réelle. Pourtant, la direction a nié cette réalité en émettant des réserves auprès de la CPAM au sujet de l’accident du travail ayant donné lieu au DGI. Il a fallu que l’inspectrice du travail rétablisse les faits et se porte témoin de l’accident auprès de la CPAM. De plus, nous avons découvert que la hiérarchie avait connaissance de la souffrance de cette salariée depuis très longtemps : cette dernière a consulté la médecin du travail 6 fois dans une période de 9 mois. Les ressources humaines ont mis en place des négociations professionnelles, mais la plaignante n’a pas reçu d’assistance rapide quant à sa plainte et à sa souffrance.

Une solution-sanction ?

La prise en charge de la situation par les responsables hiérarchiques a été confuse. Un changement de service a été mis en place, selon la direction pour extraire la plaignante de son environnement conflictuel, selon la plaignante pour la sanctionner sans explication ni compensation. Ce qui est présenté comme une action préventive a été vécu comme une nouvelle mise à l’écart par la personne déjà fragilisée. Avant ce changement de poste contraint, un message de la plaignante indique qu’elle avait finalement trouvé un équilibre au travail. Ce changement de service, d’après les éléments dont nous disposons, n’a fait qu’aggraver le sentiment d’ostracisation de la plaignante.
L’enquête a révélé la constitution d’un groupe, un « collège » décisionnel hiérarchique hors de la direction des ressources humaines, qui a décidé d’écarter la salariée de son service pour apaiser le conflit, et parce que sa compétence était questionnée par son encadrement, comparant même la personne à un autre salarié qui « lui-même avait été en échec et avait dû quitter son poste » (p. 72). Les faits montrent donc que la motivation de cette réaffectation n’était pas uniquement une mesure de protection mais aussi une réorientation à la suite « des problématiques rédactionnelles » (p. 29) selon le cabinet. La plaignante n’était pas jugée compétente à ce poste par son encadrement pour plusieurs raisons que conteste la plaignante. Les organisations syndicales ont donné des éléments qui démontrent à la fois son engagement dans ce poste et sa volonté de travailler en équipe (p. 48). Lors de la commission santé, il y a eu un très long débat opposant le cabinet, qui listait les griefs professionnels à l’encontre de la plaignante, et certains syndicats dont SUD, qui contestaient ces jugements.
La direction et le cabinet ont affirmé que ce changement de service n’était pas une sanction, puisqu’il ne s’agissait pas exactement d’une procédure disciplinaire (p. 74-75). Le fait qu’il n’y ait pas eu de faute ou de licenciement était, aux yeux du cabinet et de la direction, la preuve qu’il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire (p. 92). Le cabinet a fait preuve d’une certaine confusion à ce sujet : « On ne fait pas le constat d’un échec professionnel. À un moment donné, quelque chose n’a pas fonctionné, on ne considère pas que c’est un échec professionnel » (p. 74). Pourtant, les heures précédentes en CSSCT avaient été consacrées à souligner les problèmes de compétences de la salariée à son poste. De plus, nous avons appris que lors de l’entretien durant lequel la direction a annoncé ce changement de poste, des reproches avaient été faits à l’égard de la qualité du travail. Il y a donc eu un mélange des genres entre sanction et médiation (p. 89).

La salle d’attente en zone grise

Un désaccord est apparu entre le cabinet d’une part, et les organisations SUD et CFE-CGC, d’autre part, sur le fait que la plaignante ait accepté ou non de changer de poste. La plaignante avait accepté une réaffectation provisoire (juillet-septembre 2024), en vue d’une possible réaffectation définitive, mais à condition d’obtenir une reconnaissance du préjudice subi et une enquête sur le harcèlement qu’elle dénonçait. Or cela n’a pas été accordé. Le changement de poste définitif n’a donc pas eu lieu et la plaignante a été mise en arrêt de travail. Ce flou d’affectation a alimenté la souffrance de la salariée qui ne savait pas dans quel service elle serait accueillie à l’issue de son affectation provisoire. « Il y a eu un accident du travail quand XXX a fait une crise après avoir appris qu’elle n’avait pas d’affectation [...] elle découvre lors de cette réunion, je crois que la réunion avait lieu le vendredi, que le lundi suivant où elle devait reprendre le travail, qu’en fait elle n’avait pas d’affectation. Ça a été un grand choc psychologique, qui a été ensuite reconnu en accident du travail et qui lui a valu un certain nombre de semaines d’arrêt. Voilà d’où vient le DGI », d’après le délégué SUD qui a suivi de près ce dossier (p. 86).
Concernant l’avenir de la salariée et sa réaffectation à l’issue de l’enquête externe, la direction a indiqué qu’elle ne souhaitait pas adapter le processus de nomination en fonction de la situation (p. 99). La réaffectation pouvait donc être source d’un nouveau conflit puisque la salariée ne pouvait pas choisir le poste qu’elle souhaitait avec la garantie de l’obtenir. La plaignante, au départ, ne souhaitait pas quitter sa rubrique malgré les grandes difficultés rencontrées, mais elle ne pouvait pas non plus accéder à un autre poste équivalent (p. 105). La situation était inextricable pour la direction, qui ne voulait ni la maintenir à son poste, ni lui en assurer un autre (p. 99). La direction a finalement proposé en commission santé qu’un autre poste lui soit attribué sans affichage avec l’accord des syndicats. Pour autant, il n’a pas été possible de totalement clarifier ce sujet essentiel : le retour au poste initial n’était pas envisagé, un poste au desk non plus, et une autre affectation semblait difficile à aménager pour un retour serein au travail (p. 115-116).

Une impartialité sélective

Le cabinet a refusé de juger la responsabilité de la direction dans la gestion de cette affaire (p. 12), mais a bien pointé celle des autres.
Lorsque nous avons interrogé Optima RH sur le manque de réaction de la part du service des ressources humaines pour traiter la souffrance portée à sa connaissance, le cabinet a répondu que les RH auraient dû être alertées par la médecine du travail (p. 13, 40 et 41). La médecine du travail, elle, a indiqué qu’au nom du secret médical, elle ne pouvait pas trahir la confiance des salariés entendus. La médecin du travail n’avait pas d’outil à sa disposition pour gérer une telle situation (p. 42 : « Le médecin du travail n’a plus la possibilité de faire des inaptitudes temporaires. Cela a été supprimé en 2017 »). Par ailleurs, les RH connaissaient déjà la situation de la plaignante (p. 41). Finalement, dans ses recommandations, le cabinet a admis que les RH auraient dû saisir elles-mêmes la médecine du travail (p. 82). L’inspectrice du travail elle-même a mis en cause l’efficacité et la responsabilité de la direction (p. 109). De plus, elle a dénoncé le fait qu’un membre de la direction mis en cause par la plaignante, et de surcroît à l’origine du DGI, participait à la réunion de restitution de l’enquête externe qui le concernait pourtant directement.
Le cabinet a parfois laissé entendre, consciemment ou non, que les représentants du personnel n’avaient pas tenu leur rôle dans les règles de l’art. Ils auraient profité d’un cas particulier pour s’en servir d’exemple lors d’affrontements avec la direction (p. 88), ils accompagneraient mal les plaignants (p. 79).
Les compétences et la bonne foi de la plaignante ont été gravement remises en question (p. 15, 18 à 21), laissant croire que cette salariée était la seule source du conflit à cause d’erreurs professionnelles qui auraient créé des tensions avec le reste de l’équipe. La conclusion de cette enquête était profondément à charge contre les compétences et la bonne foi de la plaignante. La direction a indiqué que la médiation était refusée par la plaignante (p. 89 et 98). D’après le cabinet, si la situation a dégénéré, c’est parce que la plaignante n’a pas accepté les décisions de sa hiérarchie : « Un enfermement avec une lutte que nous n’avons pas comprise contre sa hiérarchie ». En somme, la plaignante apparaît comme la seule cause du conflit par sa désobéissance et ses réclamations. Sur la question des compétences expliquant le changement de poste, le cabinet de prévention a émis des commentaires sur l’aspect éditorial du métier de journaliste, jugeant par là ce qui était normal ou non dans l’exercice du métier. Le cabinet a même défendu les personnes accusées par la plaignante en demandant à l’inspectrice du travail en quoi elles n’étaient pas légitimes à faire ce que la plaignante leur reprochait (p. 25).
Optima RH n’a pas souhaité qualifier le harcèlement moral, puisqu’il s’agit d’un sujet d’ordre judiciaire. Pourtant, le cabinet en a cherché des éléments constitutifs en se basant sur les griefs de la plaignante (p. 78). De plus, le cabinet a souligné à de multiples reprises la gravité d’une telle accusation et la possibilité d’une attaque en diffamation conséquente (p. 26, 28, 29, 56 et 91). Le cabinet a refusé de comprendre la position de la plaignante en estimant qu’elle accusait, sans preuve selon lui, son management d’un délit pénal. Tout se passait comme si le cabinet cherchait à savoir si la plaignante accusait à tort sa hiérarchie. La direction a également parlé de la gravité de cette accusation (p. 109). Pour SUD, insister à ce point sur la diffamation s’apparente à une intimidation des victimes qui voudraient s’exprimer. SUD tient à rappeler que seule la justice peut trancher sur le harcèlement et la diffamation. L’entreprise, elle, doit seulement s’assurer que les salariés peuvent s’exprimer librement et alerter sur leurs conditions de travail.

Une enquête à trous

Tous les éléments marquants du déroulé des évènements n’ont pas été présentés clairement lors de la restitution. Nous avons eu une présentation des griefs de la plaignante, mais pas de la chronologie des évènements, que les représentants du personnel ont dû reconstituer en séance (p. 76), à partir de leur propre connaissance du dossier obtenue par ailleurs ou en posant des questions (p. 81). La commission a appris le déroulé de l’accident du travail en séance, par l’inspectrice du travail, alors que le cabinet était parti (p. 102). Les résultats de l’enquête auraient dû être présentés au moins synthétiquement dans un document, et non évoqués au fil du débat, afin de faciliter la compréhension.
Nous avons demandé les dates des erreurs professionnelles présumées attribuées à la plaignante afin de vérifier s’il n’y avait pas d’opportunisme par l’utilisation d’erreurs courantes du métier contre une salariée que l’on souhaite écarter. Ces dates n’ont pas été communiquées. Les critiques sur le travail de la plaignante n’ont pas été contextualisées alors que de nombreuses causes peuvent générer des erreurs en entreprise : un manque d’accompagnement, de formation, de temps… SUD a demandé à plusieurs reprises (p. 55) un état des lieux du contexte dans lequel travaillait l’équipe. En effet, les faits se sont déroulés lorsque le service en question a été mis à l’épreuve d’un stress intense (p60), où pouvaient émerger des tensions, des angoisses sur l’exactitude des informations traitées. Cet état des lieux n’a pas été présenté. Ce qui aurait pu être qualifié d’élément constitutif d’un harcèlement a été normalisé. Certains mails cités en séance ont provoqué un débat : un même message a été qualifié par le cabinet de compliment, alors que les syndicats et l’inspectrice du travail l’ont trouvé humiliant (p. 31).
L’absence de réponse immédiate de la hiérarchie à l’alerte souffrance au travail a été justifiée par le fait que dans le même temps, une autre négociation pour un changement de poste était en cours. Le cabinet n’a pas enquêté sur le système informatique de l’AFP afin de savoir pourquoi le dispositif alerte harcèlement interne à l’entreprise (via Inside) n’a, selon la direction, pas généré de mail auprès des RH alors que la plaignante avait reçu un accusé de réception. Un représentant du personnel membre du service technique a fortement douté d’un tel dysfonctionnement (p. 45).
La commission a constaté que dans ses conclusions, le cabinet n’avait même pas abordé la réunion qui a donné lieu à l’accident du travail entraînant le DGI (p. 104-105). L’inspectrice du travail n’a pas été interrogée par Optima RH, alors qu’elle était présente et disponible et que le comité de pilotage s’attendait à ce que ce soit fait. Le document de l’alerte harcèlement n’a pas été communiqué à l’inspectrice du travail. Les 16 griefs sur lesquels le cabinet a enquêté n’ont pas été communiqués en dehors du comité de pilotage, qui n’en a eu lui-même connaissance que lors de sa dernière réunion (p. 113). Le comité de pilotage n’a pas pu contribuer à l’enquête malgré ses tentatives (p. 87, 95 et 113). Il a seulement été tenu informé de l’avancement de l’enquête (p. 113) et n’a pas obtenu le rapport d’enquête écrit. L’élue de SUD qui faisait partie du comité de pilotage a indiqué qu’elle aurait voulu faire plus mais qu’elle n’avait aucun élément sur lequel s’appuyer.
Comme le cabinet n’a pas trouvé de facteur explicatif, il n’a pas identifié de recommandations. Le cabinet a même dit (p. 56) qu’il n’était pas là pour cela : « les autres questions qui se posent, qui n’étaient pas l’objet de notre enquête, c’est comment est-ce qu’on fait pour qu’une situation comme ça ne survienne pas ? ». SUD est particulièrement choqué par le fait que ce cabinet spécialisé en prévention néglige la prévention. Le cabinet a pourtant identifié, avec la commission santé, de réelles difficultés qui existent dans le métier de journaliste et qui peuvent créer de la souffrance : la réécriture des dépêches, le passage d’un poste de chef à un poste de producteur sous l’autorité de quelqu’un d’autre, le changement de rubrique/service/métier, le besoin d’accompagnement et le temps d’adaptation d’un salarié qui prend son poste dans un service particulièrement mis à l’épreuve. Aucune recommandation de prévention n’a été faite sur ces sujets.
La direction a partagé sa difficulté à aménager des postes en tenant compte de la santé des salariés (p. 120). L’inspectrice a insisté sur ce point : « Il faut tenir compte du fait que personne n’est à l’abri d’une défaillance en santé mentale dans sa vie, tout le monde rencontrera un problème en santé mentale dans sa vie avant ses 60 ans. Donc je pense qu’il faut être humble par rapport à ça et la vie peut nous réserver parfois des choses compliquées à vivre, comme le travail d’ailleurs. Je pense que ce sont des choses qu’il faut prévoir, anticiper. Vous faites quand même un métier, le journalisme, où il y a des risques psychosociaux qui sont latents. J’ai quand même auditionné plus de 30 personnes chez vous dans le cadre de souffrance au travail, des RPS, qui m’ont exprimé ces difficultés-là, donc je sais de quoi je parle par rapport à ces retours » (p. 121).

Conclusion

En conclusion, SUD retient que toutes les parties impliquées étaient informées de la situation de souffrance et que la seule action mise en place a été un changement de poste perçu comme brutal et des négociations aussi laborieuses qu’infructueuses entre la plaignante et la hiérarchie. La confusion de la procédure, la remise en question des capacités de la plaignante s’ajoutant à une souffrance déjà présente et connue ont pu causer l’accident du travail et le DGI. Un constat que n’a pas formalisé Optima RH, qui, de son côté, « ne s’explique pas » pourquoi toute cette « histoire » est allée « aussi loin ».
Pour SUD, la question n’était pas de savoir si la plaignante avait tort ou si les personnes mises en causes étaient coupables, même si le cabinet est manifestement parti sur cette voie (p. 57). Pour nous, il s’agissait d’étudier rigoureusement une défaillance avérée du système (p. 118). Ce que nous souhaitions, et que nous n’avons pas obtenu, c’était l’identification des causes, qui en plus transparaissaient clairement dans l’enquête, mais qui n’ont jamais été traitées comme telles, plutôt comme des éléments fortuits alors qu’ils étaient structurels. Une absence de préconisations, pourtant promise dans la charte de l’enquête (p. 108), qu’ont regretté les syndicats SNJ, SUD, FO (p. 108-109). Même la direction a reconnu l’absence de préconisations sur le cas présent (p. 111) et sur le système global de l’entreprise. Ces préconisations auraient été précieuses et utiles à tous les salariés.
SUD condamne fermement le traitement qui a été fait de la plaignante lors de cette enquête et de la restitution des conclusions. Sa parole a été mise en doute et contestée, ses compétences et sa bonne foi également. SUD déplore qu’on se préoccupe plus de juger la plaignante sur ses capacités et la légitimité de sa plainte que de vérifier si notre dispositif de prévention contre la souffrance au travail fonctionne. Nous avons eu l’impression, pendant toute cette enquête, que seule la plaignante étit remise en question. L’inspectrice du travail a souligné avec étonnement qu’après 20 ans d’ancienneté et une carrière sans problème, soudainement, “plus rien ne va” (p. 100). Le rapport et les conclusions de l’enquête sont “favorables à tout le monde, sauf à la plaignante”, selon l’inspectrice (p. 101 et 104). Pour finir, c’est elle qui est mise de côté puis mise à la porte (p. 109).
SUD salue malgré tout la volonté collective de l’ensemble des membres de la CSSCT à la fin de cette réunion du 17 mars 2025 pour trouver une solution et un poste convenable à proposer à la plaignante afin qu’elle puisse revenir de son arrêt de travail sereinement (p. 114). La direction avait aussi reconnu le besoin de rétablir la confiance entre les salariés et la direction (p. 117). Malgré ces volontés affichées, la suite des événements s’est soldée par un nouvel échec puisque la salariée a été licenciée en juillet 2025 pour inaptitude à tout poste à l’AFP (des suites de la situation signalée). Les conditions d’une reprise à l’Agence n’étant toujours pas réunies, un médecin du travail extérieur à l’AFP a jugé que ce contexte représentait un danger pour sa santé.
Pour SUD, cet épilogue souligne l’échec de la gestion du dossier et le refus répété de la direction de l’AFP de remettre en question ses pratiques. Il ne s’agit, à notre sens, pas d’un cas isolé, mais bien d’un angle mort de la prévention que la direction refuse d’observer. Un déni visible et revendiqué dans la communication du 16 juillet 2025 où, non seulement elle ne prend pas de distance avec l’enquête externe malgré ses lacunes, mais au contraire s’appuie dessus pour commenter le volet pénal de ce dossier (« enquête judiciaire sur des soupçons de harcèlement moral »). De manière générale, SUD estime que ce dossier démontre le manquement de l’AFP - intentionnel ou non - à son obligation de protéger la sécurité et la santé de ses salariés.

Paris, le 04 août a2025
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)

[1] Ce document contient des références aux pages du procès-verbal de la CSSCT du 17 mars 2025 : toutes nos observations sont basées sur la relecture attentive du PV.