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Quelle déception, M. Hoog ! - Lettre ouverte au PDG de l’AFP

jeudi 7 octobre 2010

Monsieur le président,

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Lorsque vous avez pris vos fonctions, en mai 2010, vous aviez toutes les cartes en main. La majorité des salariés de l’agence étaient contents du départ de Pierre Louette ; vous avez calmé le jeu sur la révision du Statut et tenté de renouer le dialogue social. A tel point que nous vous avons dit que votre discours nous plaisait, quand vous évoquiez plutôt les besoins d’information des "citoyens" que les demandes des "clients" et des "marchés", ou lorsque vous souligniez que vous souhaitiez avancer ensemble, au lieu de chercher l’affrontement.

Force est de constater que vous avez rompu avec cette méthode, dans votre "Lettre au personnel" du 6 octobre.(1) Vous vous offusquez d’une consultation démocratique, organisée par les syndicats. Vous vous plaignez que la direction aurait été "accusée d’avoir des +projets cachés+", alors que la perspective d’un abandon définitif du siège historique place de la Bourse inquiète de nombreux salariés.

Vous parlez de "mensonges", de "fantasme", de "théorie du complot", laissant entendre qu’à l’heure actuelle, vous ne pouvez pas vous "appuyer sur des dispositifs collectifs fiables, respectueux de la parole de l’autre". Et vous rapportez des bruits de couloir, "colportés à l’intérieur et à l’extérieur", d’une façon qui ne peut que choquer les professionnels de l’information que nous sommes.

Bref, en à peine six mois à la tête de l’AFP, vous en arrivez déjà presque là où votre prédécesseur se retrouvait au moment où il nous a annoncé qu’il jetait l’éponge. M. Louette n’hésitait pas à insulter les salariés de l’AFP, en se moquant devant le Sénat des prétendus privilèges des journalistes de l’agence. Votre "Lettre au personnel" ne dénote pas par rapport à ce style, lorsque vous nous accusez d’organiser une "fuite en avant (...) marquée par l’irrésolution et l’irresponsabilité".

- Une nouvelle loi sur le Statut ? -

Au moment du départ de votre prédécesseur, nous avons dressé un bilan sévère :
"Pierre Louette était :
- le PDG de l’abandon de l’indépendance : en servile serviteur, il avait accepté de remplir la "mission" de casser le statut de 1957.
- le PDG du mépris et du caporalisme : croyait-il vraiment pouvoir imposer ses projets néfastes contre la volonté du personnel ?
- le PDG de la régression sociale : jamais, les salariés en France comme à l’étranger n’avaient connu un tel développement de la précarité et du manque de perspectives." (2)

Vous êtes arrivé en affirmant que la révision du Statut n’était "pas d’actualité", mettant fin à deux ans d’incertitudes et de fortes inquiétudes sur le maintien de la spécificité de l’agence, en tant qu’organisme indépendant face aux pouvoirs politiques et économiques.

Aujourd’hui, vous donnez l’impression que ces affirmations ne découlaient pas d’une forte conviction et d’un attachement aux principes fondamentaux du Statut. Au dernier CE, vous avez souligné que l’AFP devait rester sans propriétaire (ni étatisation, ni privatisation) parce que le "rapport de force" ne permettait pas un tel changement. Et vous avez souhaité une nouvelle loi sur le Statut de l’AFP, montrant qu’en très peu de temps, le changement du Statut était bel et bien redevenu "d’actualité".

Nous vous avons mis en garde contre les directeurs assis à vos côtés, soulignant que votre discours sur le dialogue et l’"avancer ensemble" ne pouvait être crédible que si vous faisiez une "rupture" avec les méthodes du passé, avec les pratiques immorales et parfois illégales. Et nous avons dit que vous aviez intérêt à rompre avec la "jeune garde louettiste", qui avait suivi son maître dans l’affrontement, pour tenter d’imposer le changement du Statut, tout comme elle vous suivait ensuite alors que vous teniez un discours à l’opposé.

Au lieu de prendre ces mises en garde au sérieux, vous avez essentiellement dialogué avec les membres de cette hiérarchie et avec ses rouages de transmission. Les mêmes qui ont fait croire à Pierre Louette que l’agence ne s’opposerait pas au changement de Statut, vous ont induit en erreur sur l’ensemble des dossiers en cours.

- Crise à tous les étages -

En l’espace de dix jours, vous vous êtes retrouvé confronté à deux documents très étayés et tout à fait justifiés dénonçant le caporalisme et annonçant une possible "motion de défiance" contre l’ensemble de la hiérarchie rédactionnelle (3) ; votre projet d’accord prévoyant la casse de la politique salariale dont ont bénéficié les salariés depuis des décennies a volé en éclats ; l’Inspecteur du travail est venu se rendre compte de la gravité de la crise sociale à l’AFP, demandant une radiographie complète de la précarité.

De tout cela vous ne dites rien dans votre message au personnel, choisissant de vous focaliser sur le seul dossier du déménagement, après le vote du service Photo et l’annonce d’une consultation des desks.

Vous déplorez "une situation rocambolesque engagée depuis début septembre". Comment pouvez-vous affirmer que "le projet a sa cohérence", alors que la "situation rocambolesque" dure depuis mai 2009, lorsque votre prédécesseur et ses directeurs - les mêmes qui sont aujourd’hui à vos côtés - ont créé le fait accompli ? N’est-ce pas rocambolesque, que de louer des bureaux qui restent vides pendant plus d’un an, au tarif annuel de 1,6 million d’euros, alors que vous persistez à ignorer la précarité et que vous proposez royalement aux personnels "statut siège" une augmentation de 27,50 euros brut par mois après deux ans de gel des salaires ?

Les arguments d’hier sont tombés l’un après l’autre. Hier il fallait trouver des solutions rapidement car les baux au palais Brongniart et rue de la Bourse allaient se terminer ; c’était l’argument avancé pour obtenir l’accord des élus à la signature du bail rue Vivienne ; aujourd’hui il est question de louer deux étages supplémentaires rue de la Bourse ; hier le déménagement de la rédaction vers la rue Vivienne était l’un des éléments centraux du Plan Louette, intimement lié à l’abandon du Statut, au lancement de nouveaux produits commerciaux et au multimédia. Aujourd’hui, vous avez annoncé le lancement de "14 chantiers prioritaires", mais personne ne sait où on va.

C’est l’absence d’un projet d’ensemble, l’absence d’un véritable dialogue avec le personnel, l’absence de rupture avec les méthodes du passé qui explique la situation explosive dans laquelle l’agence se trouve plongée depuis quelques jours.

Monsieur le président ! On ne gère pas une entreprise comme l’AFP par un chantage à la démission, ni en se drapant dans une dignité prétendument blessée - mais en exprimant une vision stratégique claire et en convainquant le personnel. L’AFP a besoin d’une telle vision d’avenir.

Pour cela, vous devez marquer une rupture, stopper les projets qui posent problème, dialoguer pour comprendre ce qui ne va pas, au lieu de tenter de passer en force. Si telle n’est pas votre intention, alors chiche, partez !

Paris, le jeudi 7 octobre 2010
SUD-AFP (SUD Culture & Médias Solidaires)

(1) Sur Internet, la lettre est en annexe à un article de Bakchich : http://bakchich.herokuapp.com/médias/2010/10/07/l-afp-a-nouveau-dans-une-impasse-58765
(2) Démission du PDG - Un nouveau départ pour l’AFP
(3) Communiqués CGT et FO