Non contente d’esquiver les débats essentiels en interne, l’AFP censure les échanges sur sa page « Facebook ».
Plusieurs syndicats, à commencer par SUD, l’ont déjà signalé : la direction a pris la fâcheuse habitude de ne soumettre ses « innovations » aux représentants du personnel que lorsque les véritables décisions ont déjà été prises.
Or voilà que les journalistes de la rédaction en chef chargés de superviser la fameuse page « Facebook » de l’AFP, mise en place sans véritable débat, laissent passer des sujets racoleurs et empreints de sexisme, mais se mettent à censurer des commentaires critiques. Ce qui ressort d’une enquête-test effectuée par SUD :
1 : « Ma vie de journaliste « détaché » en banlieue parisienne »
L’une des spécificités de la page Facebook de l’AFP est de présenter, en plus des photos, dépêches, vidéos et infographies de notre agence, des éléments pour expliquer et mettre en avant son travail. Pourquoi pas ? - A condition de ne pas confondre journalisme et communication. Le 14 janvier, la page arbore un papier dans lequel un jeune journaliste détaché en banlieue parisienne raconte sa journée de travail. On présente également une vidéo sur le même sujet. Jusque là, rien de bien choquant, sauf que cette présentation intervient au moment où l’AFP est menacée d’être sanctionnée par l’Inspection du travail car la majorité des journalistes assurant la couverture banlieue sont des pigistes employés illégalement de façon permanente !
C’est ce que rappelle très poliment un commentaire posté par un élu SUD, avec un lien vers les pages « précaires » sur notre site « SUD-AFP ». Commentaire qui disparaît de la page AFP.
2 : Comment l’AFP reprend des images sur les réseaux sociaux
Le 1er mars, les journalistes en charge de la page Facebook décident d’expliquer aux internautes comment l’agence s’y prend pour vérifier l’authenticité des images publiées sur Twitter ou Facebook, puis négocie afin d’obtenir les droits de publication. Là aussi, pourquoi pas ? - Mais vu une affaire juridique encore récente liée au tremblement de terre en Haïti, et à la reprise par l’AFP de photos récupérées sur le site Twitpic, ce n’était pas forcément la meilleure idée. Notre camarade s’est permis un commentaire très succinct : « Mais n’y a-t-il jamais de problèmes ? » Nouveau couac : ce commentaire a été rapidement enlevé du site.
3 : Doit-on employer le terme « communauté internationale » ?
Jeudi 3 mars, l’équipe AFP a décidé de poser aux « amis » de sa page une « Question du jour ».
Face à la question « Que doit faire, selon vous, la communauté internationale en Libye ? », les « amis » de la page se réveillent, avec une trentaine de commentaires en peu de temps.
La plupart ne sont hélas pas très intéressants, mais un internaute pose une question pertinente : au fait, « qu’est ce que la communauté internationale ? ».
La réponse, signée « Agence France-Presse », nous surprend quelque peu :
« Par communauté internationale, nous entendions l’ensemble des pays membres des Nations unies », peut-on lire.
Trouvant cette position contestable, et souhaitant également émettre quelques doutes sur l’intérêt pour une agence comme l’AFP d’employer un terme aussi ambigu et aussi galvaudé, notre camarade se permet d’écrire un commentaire - toujours sur un ton courtois, et tout en signalant qu’il travaille pour l’agence. Ce commentaire connaît le même sort que les précédents.
4 : Scoop - les « belles fesses » du Crazy Horse Saloon
Le clou du spectacle vient le samedi 5 mars, lorsque l’équipe Facebook décide d’attirer l’attention des « amis » de notre page sur une vidéo AFP montrant une répétition du cabaret « Crazy Horse » à Moscou. Où l’on apprend, par la voix de l’AFP, que les danseuses de ce cabaret sont « les plus belles filles [sic] du monde », et, par la bouche d’une porte-parole du Crazy Horse, que les Américains préfèrent les seins et les Français les fesses !
Toujours poli, notre camarade se permet de publier le commentaire suivant :
« Et le journalisme dans tout ça ? J’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre pourquoi l’AFP produit de tels sujets, qui selon moi ressemblent davantage à de la publicité qu’à un document de presse. Je précise que je suis salarié de l’AFP. »
C’est là que le couperet tombe : non seulement l’ensemble des commentaires sus-mentionnés disparaissent, mais notre adhérent, élu au Comité d’entreprise, se trouve interdit d’intervenir sur la page Facebook de l’AFP !
Censure, faux débats, publi-reportages, sujets racoleurs : qu’en dit la nouvelle « Directrice de la Communication et de la Défense de la Marque » ?
Qu’en dit par ailleurs la rédactrice en chef centrale, ancienne dirigeante du Collectif femmes de l’AFP, en cette veille du 8 mars ?
Il est temps d’ouvrir un vrai débat sur la présence de l’AFP dans les réseaux sociaux - et également sur sa mission d’informer ! Sans oublier le respect qu’elle doit à son personnel et ses droits...
SUD-AFP, le lundi 7 mars 2011