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Forfait jours des journalistes : Halte aux manœuvres et aux accords bâclés !

mardi 22 octobre 2019

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L’AFP est plongée dans une situation d’insécurité juridique et de profondes incertitudes sociales, depuis que la disposition phare du « Grand Accord » de 2017 - le forfait jours pour tous les journalistes – a été déclarée illicite par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris rendu le 19 septembre 2019. Dès lors, les conventions individuelles de forfait jours que la direction a signées avec 712 journalistes statut siège sur 791 sont devenues caduques, car elles ne sont tout simplement pas conformes à la loi.

Du coup, tout le monde se pose des questions légitimes, auxquelles la direction n’a toujours pas répondu.

Quels horaires, combien de jours de repos ?

Les journalistes qui étaient au forfait jours vont-ils perdre des jours ? La réponse provisoire et fort insatisfaisante se trouve dans l’accord d’entreprise du 10 mars 2017, ce fameux « Grand Accord » que SUD a activement combattu.

En vertu de ce texte, les journalistes et cadres au forfait jours bénéficient de 12 jours de repos supplémentaire par an. Quant aux journalistes au décompte horaire, l’article 6.6.1 de l’accord les divise en deux groupes, avec les « modes d’aménagement du temps de travail » suivants :

Pour les journalistes en production ou assimilés (encadrement des desks et rédactions en chef) :

* 39 heures par semaine et attribution de 7 jours ouvrés de repos annuel supplémentaire au titre de l’Aménagement et la Réduction du Temps de Travail.

Pour les autres journalistes :

* 35 heures par semaine, avec 4 jours ouvrés de repos annuel supplémentaire.

Autrement dit, depuis la signification de l’arrêt d’appel, le forfait jours et les 12 jours de repos supplémentaire n’ont plus de base légale, les journalistes concernés passent, selon les cas, à 35 heures et 4 jours de repos ou 39 heures et 7 jours.

Sauf que, légalement, rien n’empêche la direction d’en décider autrement, en attribuant davantage de jours de repos que le minimum prévu dans son cruel « Grand Accord » !

Vers un nouvel accord bancal ?

Au lieu d’apaiser, le DRH a proposé le 11 octobre aux organisations syndicales représentatives un nouvel accord inacceptable. Si le préambule de son projet initial a été amélioré en deux étapes au cours des derniers jours, le fond n’a pas changé :

La direction tente d’obtenir des syndicats ce qu’elle n’a pas obtenu de la justice : une « modulation des effets dans le temps de l’annulation du second paragraphe de l’article 6.9.1 de l’accord du 10 mars 2017 ». Concrètement :

  • Reporter dans le temps « les effets de la décision de la Cour d’Appel » ;
  • Fixer « les modalités de révision » du sous-paragraphe du « Grand Accord » qui prévoyait le forfait jours pour tous les journalistes. Tout sera bouclé après trois réunions, prévues le 30 octobre et les 19 et 28 novembre.
  • Et ensuite, on oublie tout, vite fait, en passant à autre chose…

Rien sur les horaires et les jours de repos après le 31 décembre 2019 !

Aucune garantie notamment pour les journalistes des desks, qui risquent de perdre 8 jours de repos sur 12.

Seule la menace en l’air de reprendre rétroactivement les jours de repos acquis serait écartée.

Une direction toujours dans le déni de la réalité

La direction se trompe lourdement, lorsqu’elle estime qu’il suffit de trois petites réunions pour modifier une phrase, et hop ! tout est réglé…

Rappelons qu’il a fallu trois ans pour négocier le « Grand Accord ». La direction a introduit tardivement dans ces discussions l’idée du forfait jours, que SUD réfute par principe car ce dispositif permet de maintenir les horaires à rallonge, sans paiement et compensation des heures supplémentaires, sans réduction du temps de travail.

A l’inverse, le premier syndicat parmi les journalistes s’est lui prononcé en faveur de ce forfait jours annuel, mais à condition qu’il soit proposé à tous les journalistes, l’ensemble des syndicats s’opposant à la mise en place de deux régimes différents pour la rédaction.

Or, justement, ces deux régimes différents sont créés si l’on rétablit le forfait jours pour les journalistes qui remplissent les conditions légales pour se le voir proposer, tout en laissant de côté les autres.

On revient donc au casse-tête initial. Sans oublier les autres problèmes qui surgissent de nouveau, du fait que le très fragile et contestable équilibre interne du « Grand Accord » est détruit :

  • 39 heures avec 7 jours de repos ou 35 heures avec 4 jours de repos, est-ce vraiment de « l’aménagement du temps de travail » dans le sens de la loi ?
  • Journalistes et cadres : mêmes droits ou déséquilibre ?
  • Quid de ceux parmi les cadres au forfait jours qui n’ont manifestement pas d’autonomie dans l’organisation de leur travail ? Etc.

Les trois réunions d’ici la fin novembre prévues par la direction ne permettront pas de régler ces problèmes de fond et de trouver des réponses juridiquement sécurisées.

12 jours de repos annuel pour tous les journalistes !

SUD a soumis aux « partenaires sociaux » une contreproposition qui éviterait de chercher une aventureuse « modulation des effets dans le temps » d’une décision de justice applicable immédiatement.

SUD est prêt à signer et propose un Avenant au « Grand Accord », comportant deux articles :

L’un renvoie tous les problèmes de fond, qu’il faut étudier et discuter soigneusement, cette fois-ci en respectant la loi, à une remise à plat du chapitre 6 du « Grand Accord » sur le temps de travail, dans le cadre d’une négociation qui débuterait au premier semestre 2020.

L’autre prévoit des mesures urgentes et provisoires, notamment :

  • La direction ne modifie pas le nombre de jours de repos annuel qui ont été crédités à la date du 1er janvier 2019.
  • Tous les journalistes se voient attribuer 12 jours de repos annuel au 1er janvier.
  • SUD propose une nouvelle rédaction de l’article 6.9.1 du « Grand Accord », conforme à la loi. En attendant l’issue de la nouvelle négociation de fond, la direction pourra ainsi rétablir le forfait jours pour les journalistes « qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein du service ou de l’équipe auxquels ils sont intégrés. »

En voilà une proposition qui permettrait de sortir par le haut de l’imbroglio actuel !

Paris, le 22 octobre 2019
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)
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